Solennité de Pentecôte, Année A

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Act 2, 1-11; 1 Co 12, 3-13; Jn 20, 19-23.
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Lorsque nous entendons les récits des Actes, les passages des Evangiles ou les lettres des Apôtres qui nous relatent la venue de l’Esprit, la Pentecôte, cinquante jours après la Résurrection du Christ, en ce jour où les juifs célèbrent l’Alliance de Dieu avec son peuple, nous ne pouvons nous empêcher d’être à la fois surpris et remplis de nostalgie. Car ce printemps de l’Eglise, cette grâce des débuts pleine de fraîcheur et de liberté, nous avons du mal à la reconnaître, dans ces temps qui sont les nôtres.
Abreuvés de statistiques et d’enquêtes, d’analyses et d’études, toutes plus pessimistes et plus sombres les unes que les autres, nous ne pouvons nous empêcher de nous demander si l’Esprit, le Saint Esprit, l’Esprit de joie et de paix, l’Esprit d’amour et de bonté, cet Esprit de miséricorde et de liberté, qui souffla aux premiers temps de l’Eglise, est bien toujours à l’oeuvre dans nos communautés, aujourd’hui encore?
Mais ces constatations, et les questions qu’elles posent, partent toutes d’une idée somme toute assez banale, qui court tout au long de l’histoire humaine. De tout temps, en effet, on a glorifié le passé, l’âge d’or, surtout quand on ne l’a pas connu. De tout temps on a espéré un avenir meilleur. Mais toujours, on a eu de mal à recueillir la grâce de l’instant présent.
Cela ne devrait pas nous étonner. En effet, dans l’Evangile que nous venons d’entendre, les Apôtres eux-mêmes semblent complètement muets, amorphes, alors que Jésus est là, présent au milieu d’eux. Ils ne réalisent pas la grâce extraordinaire qu’ils ont reçue. Jésus doit répéter par deux fois: « la paix soit avec vous », pour qu’ils s’éveillent de leur stupeur.
Ne sommes-nous pas nous aussi, bien souvent, comme eux, incapables de recevoir ce qui nous est donné, ce que l’Esprit nous donne, laissant passer le moment favorable, trop prudents, trop peureux, trop angoissés ou inquiets, pour accueillir avec simplicité et reconnaissance le don que Dieu nous fait aujourd’hui et maintenant?
Prisonniers de nos regrets ou de nos rêves, nous ne savons pas goûter la saveur de l’Esprit dans ce qui nous est donné.
C’est pourquoi, comme dans le récit des Actes des Apôtres, que nous avons entendu en première lecture, il est parfois nécessaire, que l’Esprit fasse exploser nos résistances, nos bonnes manières, les replis frileux de nos habitudes, pour que quelque chose se passe, pour que la grâce se fraie un chemin en nous et même malgré nous.
Nous avons parfois besoin de tempêtes, de bruits de tonnerre, de mouvements de foules, pour reconnaître l’action de l’Esprit.
Mais si cela arrive quelquefois, ce n’est pas le mode habituel du travail de l’Esprit en nous. L’Ecriture utilise de très belles images pour décrire cette oeuvre plus secrète que Dieu accomplit en nous.
Ainsi la Genèse parle-t-elle de la colombe qui plane sur les eaux, et qui reviendra sur Jésus au moment de son baptême. Le livre des Rois évoque cette brise légère, inaudible, qui jette le prophète Elie le visage contre terre, lui que n’avaient troublé ni les tremblements de terre, ni les éclairs et les vents de tempête!
Jésus l’affirme dans l’Evangile, « mon Père travaille toujours »!
Dieu ne cesse de nous envoyer son Esprit. C’est nous qui ne savons pas le reconnaître, qui n’avons pas la simplicité de le recevoir.
Nous rêvons d’autre chose, et nous passons à côté du trésor que Dieu a placé à portée de notre main. Car la joie nous est donnée, ainsi que la paix, mais, comme le rappellent les plaies que Jésus montre à ses disciples, elles nous sont données à travers les réalités, parfois dures, de notre existence. C’est là que souffle l’Esprit.
C’est là qu’il nous attend.
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