Solennité de l’Assomption

Marie conçue sans péché

À peine un demi-siècle après la mort de Jésus, la réflexion théologique battait son plein.  Jésus était-il vraiment homme, était-il vraiment Dieu, était-il à la fois Dieu et homme, ou alors Dieu aurait pris possession d’un homme pour en faire son envoyé ?  Ces questions seront débattues pendant de longs siècles, et font toujours partie des cours de christologie d’aujourd’hui. 

Si donc Jésus est vraiment le Fils de Dieu, comment peut-il naître du sein d’une femme « ordinaire » ?  N’est-ce pas une contradiction dans les termes ?  C’est pourquoi la dévotion et la Tradition ont fait de Marie la femme parfaite, qui n’a jamais péché, qui a été préservée de la blessure du péché originel.  Comme le dit déjà le Livre de la Sagesse :

Dieu a créé l’homme pour l’incorruptibilité,
il a fait de lui une image de sa propre identité. (Sg 2,23)

Cela a conduit à la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception.  
Marie fut la femme parfaite, dont le Livre des Proverbes fait l’éloge :

Une femme parfaite, qui la trouvera ? Elle est précieuse plus que les perles !
Son mari peut lui faire confiance : il ne manquera pas de ressources.
Elle fait son bonheur, et non pas sa ruine, tous les jours de sa vie.
Revêtue de force et de splendeur, elle sourit à l’avenir.
Sa bouche s’exprime avec sagesse et sa langue enseigne la bonté. (Prov 31,10…26)

On peut appliquer cette définition à nombre de femmes, on peut reconnaître ici l’idéal de la femme parfaite, on peut espérer trouver cette perle rare…  La dévotion populaire a reconnu que Marie avait toutes ces qualités, et encore bien d’autres, nécessaires pour devenir la Mère du Sauveur. 

Après la résurrection de Jésus, les disciples se remémoraient cette phrase de l’Écriture : Tu ne permettras pas que ton Saint voie la corruption (Ac 13,35 ; Ps 16,10).  Ce qui était vrai pour Jésus, pouvait également l’être pour Marie.  On comprend aisément que Jésus ne permît pas que sa sainte Mère subisse la décomposition de son corps.  Puisque Marie fut conçue sans péché, elle ne pouvait pas subir la mort qui est la conséquence du péché originel. 

C’est pourquoi, dès le deuxième siècle de notre ère, les croyants vénéraient à Jérusalem deux lieux rappelant la mort de Marie : le lieu de la Dormition de la Vierge, et son tombeau.  Et, comme pour Jésus lui-même, quelques jours après la sépulture de Marie, son tombeau était vide.  Car, comme nous le rapporte la Préface de ce jour, Dieu a préservé de la dégradation du tombeau le corps qui avait porté son propre Fils et mis au monde l’auteur de la vie.  C’était encore une grâce venant de la Conception Immaculée de Marie. 

La perfection de Marie n’est pas un privilège qui n’est utile qu’à elle et à son Fils.  C’est pourquoi la Préface affirme ensuite de la Vierge Marie, la Mère de Dieu : parfaite image de l’Église à venir, aurore de l’Église triomphante, elle guide et soutient l’espérance de l’Église du peuple en chemin

Nous sommes tous appelés à ressusciter, comme le rappelle la deuxième lecture de ce jour :
En effet, de même que tous les hommes meurent en Adam,
de même c’est dans le Christ que tous recevront la vie :  
en premier le Christ, et ensuite ceux qui lui appartiennent.

Bien évidemment, la première après le Christ ne peut être que sa propre Mère.  Mais nous sommes tous invités à partager un jour leur gloire dans le ciel.  Marie, arrivée aux cieux avec son âme et son corps nous ouvre le chemin.  C’est pourquoi, nous cisterciens, nous célébrons aujourd’hui la fête patronale de notre Ordre.  Nous sommes attendus, et notre vie quotidienne rythmée par la prière est une attente active et amoureuse de cette grande rencontre.  Notre vie est cachée avec le Christ en Dieu, comme l’affirme Saint Paul dans l’Épître aux Colossiens (Col 3,3). 

Marie était une femme semblable à toutes les femmes, hormis le péché.  Beaucoup l’ont prise comme modèle d’une vie chrétienne, que ce soit dans une vie de prière, une vie de service des autres, une vie de mère de famille… 

En ce jour de fête, demandons à Marie Reine du Ciel et à son Fils Jésus-Christ, de nous combler de la joie dans la foi de notre propre résurrection.  Nous pourrons alors, partager le festin des noces éternelles, dont le repas eucharistique nous donne un maigre avant-goût.  Oui, le Christ est ressuscité, oui, Jésus a pris auprès de Lui sa Mère la Vierge Marie Immaculée avec son âme et son corps.  Rendons gloire à Dieu. 

Frère Bernard-Marie

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