Solenneité de Saint Bernard

La spiritualité cistercienne et Saint Bernard

D’après la tradition, Saint Bernard est entré à l’abbaye de Cîteaux en 1113.  À cette date, Cîteaux, fondé en 1098, venait de faire une première fondation à La Ferté et l’arrivée de Bernard et ses 30 compagnons permirent d’accélérer la deuxième fondation à Pontigny (1114).
L’année suivante, Bernard et une partie des compagnons avec qui il était entré à Cîteaux, partaient pour Clairvaux, tandis que vers la même période était fondée la quatrième fille de Cîteaux, Morimond.
Pour beaucoup de non-initiés le fondateur de l’ordre cistercien n’est autre que Saint Bernard.  Il est le plus connu parmi les moines de la première génération de Cîteaux, alors que les trois abbés de Cîteaux, les saints abbés Robert, Albéric et Étienne, sont parfaitement inconnus de la plupart.
On peut regretter cette méconnaissance, qui s’explique entre autre par l’abondance d’écrits spirituels que nous a légué Saint Bernard, alors que les saints abbés de Cîteaux n’ont pas ou peu écrit.  Il leur fallut d’abord asseoir le « Nouveau Monastère » et lui assurer sa vie et sa survie.  Robert fonda le monastère mais dut retourner à Molesmes d’où il était parti.  Albéric organisa le vie quotidienne de la communauté de Cîteaux.  Étienne rédigea les statuts, la Charte de Charité, qui définit les relations entre les communautés de l’Ordre naissant.  Tout ce travail était en cours d’achèvement lorsque Bernard entra à Cîteaux.
Bernard avait, dans sa jeunesse, profité d’une formation sérieuse en l’école canoniale de Châtillon-sur-Seine.  Il a également eu tout loisir de se familiariser avec la culture de son temps et en particulier les chants d’amour courtois que les troubadours venaient proclamer dans les fêtes locales.
Lorsqu’il se fait moine, Bernard emporte avec lui toute cette formation, littéraire, biblique et se la fait sienne dans sa prière personnelle et sa lectio divina.  Même s’il n’est pas le premier à avoir commenté le Cantique des Cantiques comme la relation amoureuse entre Dieu et l’âme humaine, il le fit avec un tel brio que personne ne fut capable de l’égaler, ni de son vivant, ni
Les fondateurs d’ordres religieux, traditionnellement, sont également les rédacteurs d’œuvres spirituelles d’envergure qui permettent aux disciples et aux successeurs de vivre de l’inspiration initiale.  Ainsi Saint Dominique, Saint François, Saint Ignace de Loyola.  Des ordres religieux ont eu dans leur histoire des réformateurs écrivains, comme dans le monde bénédictin.  Ainsi Sainte Thérèse d’Avila et Saint Jean de la Croix pour les Carmes.  Chez les Cisterciens des origines, il y eut les réformateurs, les abbés de Cîteaux, et les écrivains, dont Saint Bernard est le premier d’une longue série, qui comprend également Guillaume Saint Thierry, Guerric d’Igny, Aelred de Rievaulx pour ne citer que les auteurs de la première génération, sans parler des moniales mystiques cisterciennes du siècle suivant.
On peut comprendre dès lors que ceux qui ne sont pas au fait de la tradition cistercienne imaginent que Saint Bernard en fut le fondateur.  Mais la spiritualité qui nous anime encore aujourd’hui, vient tout droit de Bernard et de sa facilité à décrire une spiritualité compliquée.
Terminons en reprenant cette description que fit Saint Bernard de la « visite du Verbe » dans son âme, dans un de ses Sermons sur le Cantique.
Je confesse, quoique ce soit pécher contre la modestie de vous le dire, que le Verbe m’a aussi visité et qu’il l’a fait même plusieurs fois. Mais quoiqu’il soit entré souvent en moi, je ne m’en suis néanmoins pas aperçu. J’ai senti qu’il y était, je me souviens qu’il y a été, j’ai pu même quelquefois pressentir son entrée, mais je ne l’ai jamais sentie, non plus que sa sortie. (…)  Il n’est pas venu du dehors, puisqu’il n’est aucune des choses qui paraissent au dehors. Cependant il n’est pas venu du dedans de moi, car c’est un bien et le bien n’habite pas en moi, je le sais. Je suis aussi monté au-dessus de moi, et j’ai trouvé que le Verbe est encore plus haut. Ma curiosité me l’a fait chercher au-dessous de moi, et j’ai trouvé pareillement qu’il est encore plus bas. J’ai regardé hors de moi, et j’ai reconnu qu’il est encore au-delà de ce qui est hors de moi ; et enfin je l’ai cherché au-dedans de moi, et j’ai vu qu’il m’est plus intérieur que moi-même. Et alors j’ai reconnu la vérité de cette parole: « Nous vivons, nous nous mouvons, et nous subsistons en lui (Act. 17,28). » Mais heureux celui en qui il est, qui vit pour lui, qui est mu par lui.  (S.Ct. 74,5)
Demandons à Dieu en cette eucharistie de fête de vivre, nous aussi, dans l’attente de la visite du Verbe en notre cœur.  Que nous puissions, comme Saint Bernard, reconnaître cette grâce que le Seigneur nous fait.

Frère Bernard-Marie

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