Quinzième Dimanche du Temps Ordinaire

Le bon Samaritain

Le docteur de la loi avait demandé à Jésus : et qui est mon prochain ?  Après avoir développé sa parabole, Jésus pose la question inverse au docteur de la loi : qui a été le prochain de l’homme en détresse ?  Le changement de perspective est complet…

Pour Jésus, la question n’est pas de savoir : qui est proche de moi, mais : comment suis-je proche de lui.  Le prochain de quelqu’un, c’est celui qui lui vient en aide dans sa misère.  Ce n’est pas, comme le laissait entendre le docteur de la Loi, celui qui est en harmonie avec moi, celui avec qui je m’entends bien.  C’est l’interprétation courante de l’expression du Lévitique : tu aimeras ton prochain comme toi-même. 

Lorsque Paul rappelle ses déboires depuis qu’il est apôtre de Jésus-Christ, parmi les dangers qu’il évoque, il mentionne expressément les dangers des brigands, ainsi que les dangers du désert (2Co 11,26).  Pour un homme seul, même pour quelques personnes voyageant ensemble, les voyages étaient dangereux à l’époque.  La parabole de Jésus commence donc par un fait divers tout à fait courant.  En particulier la route descendant de Jérusalem à Jéricho était-elle réputée dangereuse, à cause de l’appât des brigands et de la multitude des pèlerins passant par là. 

Cela dit, Jésus ne précise pas qui est l’homme qui descendit par cette route.  Etait-ce un pèlerin, un commerçant, un touriste, un homme pieux ?  Nous ne savons pas.  Par contre, les trois personnes qui voient l’homme sur le bord de la route sont, eux, distinctement présentés. 

Le premier est un prêtre qui descend par ce chemin.  Le second est un lévite qui, peut-être, remonte vers Jérusalem.  Mais pour des raisons de pureté rituelle ou en vue d’occupations plus urgentes qu’ils ne souhaitent pas retarder… ils passent en faisant mine de ne pas voir l’homme à moitié mort.  Comme membres de la classe sacerdotale ils auraient dû être les premiers à pratiquer l’enseignement du Lévitique que le scribe récite devant Jésus…

Le troisième homme sert de modèle à Jésus.  Mais, pour ses interlocuteurs, le Samaritain est un païen, au moins un hérétique, et certainement pas un homme dont le comportement serait un modèle pour le docteur de la Loi.  Mais, dans la parabole de Jésus, c’est le seul qui pratique vraiment la Loi ! 

Par sa parabole, Jésus ne veut pas polémiquer avec ses interlocuteurs.  Il propose plutôt une situation anodine qui permettra de poser la vraie question : qui est le prochain de qui ?  Dans la vie courante, lorsque tout se passe bien, sans accidents, sans crises, sans oppositions, il n’est pas difficile de reconnaître en mon voisin mon prochain.  Mais lorsqu’une personne est en danger, quel qu’elle soit, comment puis-je me mettre à son service, comment serai-je son prochain pour l’aider à se sauver ? 

Les clercs, par respect envers la Loi de pureté, dissocient amour de Dieu et amour du prochain et « changent de trottoir ».  Le Samaritain, en revanche, ressent alors une compassion viscérale – l’attitude même de Jésus à la vue de la veuve de Naïm, l’attitude encore de Jésus lorsqu’il s’approche de la tombe où repose Lazare.  De manière plus générale, c’est l’attitude de Jésus et d »e son Père, devant le péché des hommes et le refus de répondre à l’amour de Dieu pour nous.  C’est par cette compassion viscérale que Jésus s’est fait homme pour nous ramener au Père. 

Dans la parabole telle que nous la rapporte Saint Luc, regardons ce que fait le Samaritain.  Il panse les plaies, puis il y verse de l’huile, et enfin du vin. Il y a une telle invraisemblance dans la succession de ces actes, que cela doit nous inciter à chercher ce que l’auteur veut dire.  Nous avons ici une relecture dans le plus pur style des midrashim juifs.

Le Samaritain c’est Jésus lui-même, descendu de sa monture pour s’approcher de chacun de nous.

–      Il panse les plaies : cela rappelle les bandelettes de la résurrection, en même temps que la nouvelle naissance dans le baptême
–      Il oint d’huile : c’est l’onction de la confirmation
–      Il verse le vin : c’est l’eucharistie, avec le pain et le vin.
–      Il conduit à l’auberge : il fait entrer le « malade » dans l’Église, lieu de guérison
–      Il paiera le supplément à son retour : le Christ remboursera nos dettes, il efface nos fautes, il nous guérit de nos péchés rachète nos fautes.  Il le fera à la fin des temps, au Jugement dernier, lorsqu’Il nous accueillera au ciel avec tous les saints. 

Alors que nous allons maintenant monter à l’autel, demandons à Jésus de se faire proche de nous.  Lui, le Bon Samaritain, vient au secours de chacun de nous, tombés par notre péché et incapables de nous relever par nos seules forces.  Dans l’Eucharistie Jésus nous donne son corps à manger et son sang à boire, nourriture vivifiante pour la longue route qui nous reste à parcourir jusqu’à ce que nous partagions au ciel le festin d’éternité. 

Frère Bernard-Marie

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