Quatrième Dimanche du Temps Ordinaire, Année A

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So 2, 3; 3, 12-13; 1 Co 1, 26-31; Mt 5, 1-12a.

 

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Lorsque nous entendons ce passage de l’évangile selon Saint Matthieu,  notre attention est surtout accrochée par la longue litanie des béatitudes égrenées par Jésus, au long de son discours sur la montagne. « Heureux les pauvres, …heureux les doux… ». Mais nous ne prêtons que peu d’attention à la façon dont l’évangéliste introduit les paroles de Jésus. Et pourtant, il nous est impossible de comprendre le sens véritable des béatitudes, si nous ne nous glissons pas dans l’expérience de ceux qui, pour la première fois, entendirent ces paroles de la bouche même de Jésus.

Saint Matthieu, en effet, introduit le discours sur la montagne par quelques notations très précises, qui nous permettent de reconstituer presque visuellement ce qui s’est passé. Ecoutons de nouveau ce que nous dit l’évangéliste: « Jésus vit la foule qui le suivait, il gravit la montagne, il s’assit, ses disciples s’approchèrent, alors, ouvrant la bouche, il se mit à les instruire ».

Après le Baptême au Jourdain, les tentations au désert et l’appel des premiers disciples, les foules commencent à se presser autour du jeune rabbi qui proclame la bonne nouvelle et guérit les malades et les possédés. Nous ne sommes alors qu’au tout début de la prédication de Jésus. Et c’est en voyant ces foules immenses qui se sont mises à le suivre, que Jésus s’arrête. Il ne parcourt plus la plaine de Galilée, mais il monte sur la montagne.

Ainsi, non seulement dans ses paroles, mais déjà dans ses gestes, ses attitudes, Jésus change de registre. Il cesse de parcourir les longues étendues fertiles et peuplées de la Galilée pour gravir la montagne plus aride et plus solitaire. Ce n’est plus aux foules nombreuses qu’il s’adresse désormais, mais à ceux qui l’ont suivi jusque là, ceux qui l’ont suivi sur la montagne, ceux qui se sont approchés de lui.

Cependant ne nous y trompons pas! En soulignant cela,  Saint Matthieu ne cherche pas du tout à établir une quelconque différence entre la foule et les disciples. Non! Ce qu’il cherche à nous faire comprendre, c’est que pour comprendre les béatitudes, pour en saisir le sens profond, il nous faut d’abord ouvrir les yeux, comme Jésus, sur tous ceux qui nous entourent. Comment comprendre en effet les béatitudes, sans partager ce regard plein de tendresse et de compassion de Jésus pour tous les hommes, du plus petit au plus grand, du plus humble au plus savant?

Mais c’est seulement en montant, en acceptant de quitter la simple dimension horizontale de nos existences, en osant nous ouvrir à cette autre dimension de la réalité, que les paroles de Jésus pourront vraiment prendre tout leur sens. Sinon nous risquons toujours d’interpréter les béatitudes à travers le prisme de nos propres intérêts, de nos envies, de nos combats, de nos désirs et de nos lâchetés.

Car pour comprendre les béatitudes, il nous faut, comme les disciples, nous asseoir autour de Jésus et l’écouter, en silence.

C’est lorsque nous aurons quitté le terrain connu de nos idées et de nos idéologies, lorsque nous aurons laissé le silence raviner en nous tout ce qui est superflu, que la parole de Jésus pourra enfin toucher notre coeur, transformer notre regard, changer notre vie.

Si Saint Matthieu a pris la précaution d’introduire le discours sur la montagne par cette brève mise en situation, c’est qu’il avait bien compris que les paroles de Jésus risquaient fort d’être déformées, annexées et vidées de leur sens. En effet, seuls les humbles, dont parlait Sophonie dans la première lecture, seuls les gens sans prétention, que nous décrivait Saint Paul dans la seconde lecture, peuvent accéder au sens véritable des béatitudes. C’est pourquoi l’évangéliste a voulu nous montrer le chemin, celui qui conduit au bonheur véritable.

 

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