Pâques, Messe du Jour, Année B

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Act 10, 34a.37-43; Col  3, 1-4; Jn 20, 1-9.

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Dans les premiers récits de la Résurrection, ce sont surtout les mots qui concernent le fait de regarder, de voir, qui jouent un rôle essentiel. Ainsi, dans le passage de l’évangile de Jean, que nous venons d’entendre, l’évangéliste utilise, à cinq reprises, des verbes qui se rapportent au fait de voir, d’examiner, de constater. La Résurrection, pour les premiers disciples de Jésus, est donc d’abord une expérience visuelle. Mais qu’ont-ils donc vu? De quelle vision  s’agit-il?

Les divers récits de la Résurrection ne nous rapportent pas de grandioses apparitions ou de bouleversantes visions. Ce que les disciples voient d’abord, c’est une absence, un manque. Jésus n’est pas là où Il aurait dû être. Le linceul est bien là, mais il est vide. Et alors que Marie Madeleine pense qu’on a dérobé le corps de Jésus, et qu’elle part à la recherche d’un cadavre, Pierre et Jean, eux, restent sans voix. Ils ont compris qu’il ne s’agit pas d’une simple disparition. Le linceul est là, bien à sa place, gardant encore l’empreinte sanglante de celui qui en fut enveloppé. C’est le corps mort de Jésus qui n’est plus là, c’est la mort qui s’est évanouie.

Ce que voient les disciples, ce n’est donc pas d’abord le Ressuscité, mais c’est comme l’empreinte mystérieuse de Son passage. Ils s’étonnent de ne plus Le voir, là où demeure pourtant la trace de Son corps, comme plus tard ils s’étonneront de Le voir apparaître au milieu d’eux, alors que toutes les portes étaient verrouillées. Le mystère de la résurrection, c’est donc le mystère du corps de Jésus qui, à la fois, se dérobe et se donne aux regards, là où on ne l’attendait pas, comme on ne l’attendait pas. Il n’est plus prisonnier de la mort, mais il ne vit plus comme auparavant.

Et ce qu’ils ont vu, ils vont le raconter, tout simplement, comme ils l’ont vécu, sans se soucier de rendre leur récit plus convaincant, plus vraisemblable ou plus merveilleux. Ils sont tellement bouleversés, qu’ils n’ont pas besoin de rajouter du merveilleux ou de corriger les différences ou les incohérences. La Résurrection, pour les premiers disciples, est une expérience si forte qu’elle garde, pour nous, aujourd’hui encore, son parfum de mystère.

Cette expérience du Ressuscité, de l’empreinte mystérieuse de Son passage, n’est pas seulement réservée aux premiers témoins. Nous sommes appelés à la vivre, nous aussi, même si c’est d’une autre manière, dans nos propres tombeaux vides, dans tous ces « tombeaux blanchis » qui encombrent nos existences et nous empêchent de vivre. Combien de fois, en effet, ne restons-nous pas assis, comme Marie Madeleine, auprès des ruines de notre vie passée, de nos espérances déçues, de nos rêves brisés? Combien de fois ne restons-nous pas accrochés à ces linceuls vides, tellement aveuglés par nos propres désirs, que nous ne savons plus discerner la trace du passage de Dieu dans notre vie?

Cette expérience des premiers disciples du Crucifié peut aussi devenir la nôtre si, comme le disciple bien-aimé, nous osons descendre dans les profondeurs de nos tombeaux,  à la suite de Pierre, de l’Eglise qui peut nous enseigner à relire notre vie comme une Histoire Sainte. Car Jésus Ressuscité passe encore dans nos vies, même si ce n’est plus de la même manière. A nous aussi, aujourd’hui encore, le Seigneur apporte la lumière de Sa Résurrection, pour transfigurer nos vies et nous faire sortir de nos tombeaux vides, en ouvrant, pour nous, des chemins de lumière, là où nous ne semblait que ténèbres!

 

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