Notre Dame de Lourdes, Funérailles de Frère Georges

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1 Jn 3,14.16-20; Mt 11, 25-28.

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C’est prosterné sur le sol, au pied du tabernacle, que, pour la dernière fois, j’ai aperçu notre frère Georges, avant de partir en voyage. Mais c’est à la cuisine, les ustensiles à la main, que le Seigneur a choisi de venir chercher son serviteur. Ces deux attitudes résument, à elles seules, toute la vie de notre frère. Homme de prière et d’humble service.

Au début de cette eucharistie, confions notre frère à son doux et humble Seigneur, et demandons-Lui de nous donner, à nous qui en avons tant besoin, cette  grâce de bonté, de simplicité et d’humilité dont Il avait comblé notre frère.

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Lorsque Frère Georges évoquait sa vocation de Frère convers, de moine, il ne parlait ni du travail, qui occupait pourtant la plus grande partie de son temps et qui le menait, inlassablement, de la cuisine au vestiaire et à l’infirmerie.  Il ne parlait pas de ces multiples services qu’il rendait à chacun d’entre nous, le plus naturellement du monde, en précédant bien souvent nos demandes et nos besoins. Et il n’évoquait pas non plus ces longs temps de prière, passés à la chapelle, devant le Saint Sacrement, alors que ses Frères se reposaient, ou encore chapelet en main, dans les allées du parc. Mais quand il parlait de sa vocation, Frère Georges parlait tout simplement d’amour.

Pour lui, tout se résumait dans ce simple mot. C’était toute sa science, l’horizon de son désir. Et cet amour avait pour lui le visage d’une mère. Et sans doute n’est-ce pas un hasard si, en ce jour, nous faisons mémoire de Notre Dame de Lourdes, notre Mère du ciel.

D’une certaine façon, il ne nous considérait pas comme ses frères, mais plutôt comme ses enfants, des enfants parfois turbulents, exigeants, indisciplinés, arrogants, jamais satisfaits, toujours en train de réclamer, de revendiquer, de se plaindre. Nos égoïsmes, nos négligences et nos refus, il les considérait avec ce regard plein de compassion et d’humour d’une mère pour sa marmaille un peu trop remuante.

Mais cela n’allait pas toujours de soi. Pour parvenir à cette douce sérénité, Frère Georges avait dû livrer un rude combat, un combat contre son impulsivité liée à une très grande sensibilité. C’est parce qu’il était fragile et vulnérable, parce qu’il pouvait facilement être blessé, que Frère Georges avait pu découvrir la science véritable, cette sagesse des simples, dont nous parlait l’Évangile de ce jour, et qui seule peut nous ouvrir les portes du cœur de Dieu : la science de l’amour.

Cet art d’aimer, notre Frère avait appris à le conjuguer, dans toutes les menues activités de sa vie de moine, à la manière de Saint Jean, qui affirmait, dans la seconde lecture : « à ceci nous avons connu l’amour : celui-là a donné sa vie pour nous, et nous devons, nous aussi, donner notre vie pour nos frères ». Et, lorsque Saint Paul  déclare que « l’amour ne cherche pas son propre intérêt, qu’il ne se met pas en avant, qu’il croit tout, espère tout, supporte tout », on y reconnaît facilement la manière de vivre de celui qui vient de nous quitter.

Mais notre Frère Georges nous a-t-il vraiment quittés ? Nous avons toutes les raisons d’en douter ! En effet, Frère Georges n’était pas du genre à laisser une tâche inachevée, il n’était pas du genre à se reposer, en se déchargeant sur les autres d’un travail à accomplir. Bien plus, il devançait souvent nos besoins et nos désirs, en prenant sur lui de préparer, et parfois d’achever, ce que nous devions faire. Sans un mot, sans un bruit, il veillait sur nous. Et nous pouvons être sûrs qu’il continuera à le faire.

Car pour lui, contempler et servir, c’était tout un. Au pied du Saint Sacrement, dans l’allée de la grotte, à la cuisine, à la buanderie, à l’infirmerie, au vestiaire, c’est ce même amour, ce même désir de chercher Dieu qui avait unifié sa vie pour en faire une louange incessante au Père, par le Fils, dans l’Esprit, avec Marie.

Et cette vie de la Sainte Trinité, sous le regard de Marie, il ne la réservait pas seulement à ses frères. Sa charité avait fini par déborder les portes de ce monastère pour s’épancher dans d’autres maisons de notre Ordre, à la Maison Généralice, mais aussi auprès de tous ces frères et sœurs que le Seigneur lui avait rendus au centuple, et qu’il recevait toujours comme un don de Dieu. Nous pouvons être sûrs qu’il ne nous laissera pas orphelins.

 

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