Fête de la Sainte Famille, Année B

+
Gen 15, 1-6; 21, 1-3; Heb 11, 8-19; Lc 2, 22-40.
+
A plusieurs reprises, les évangélistes insisteront sur le fait que Joseph et Marie ne comprenaient pas ce qui leur arrivait, qu’ils étaient surpris par ce qu’ils voyaient ou entendaient. En effet, ils étaient troublés par les prophéties d’Anne et de Syméon. Et l’Ecriture ajoutera ailleurs que “Marie conservait et méditait tout cela dans son coeur”. Cette incompréhension, cette disproportion entre la mission qu’ils ont reçue et leurs capacités de comprendre, ont dû profondément marquer l’enfance et la jeunesse de Jésus. Tout enfant est déjà en soi étonnant, mais pour les parents de Jésus, le mystère était encore plus incompréhensible et plus merveilleux. Ce qui leur échappait venait d’ailleurs, de bien plus loin, de bien plus haut.
Et pourtant, l’évangéliste saint Luc nous laisse deviner, dans la conclusion de ce passage, que les premiers pas de Jésus enfant, dans son village de Nazareth, n’eurent rien d’extraordinaire, qu’ils furent ceux des enfants de son âge. Il grandissait et se fortifiait, comme tous les enfants du monde, il apprenait à lire à la synagogue voisine et à méditer les Ecritures auprès des maîtres de son temps, il se formait auprès de son père au métier de charpentier, comme tant de gamins de cette époque.
La Sainte Famille est donc le lieu où se mêlent, au plus grand des mystères, les réalités les plus banales de la vie quotidienne. Jésus y est accueilli à la fois dans la profondeur de son identité divine, mais aussi dans la réalité très concrète de sa réalité humaine. Marie et Joseph ont certes entendu le concert des Anges, les marques de respect des Mages et les prophéties de Syméon et d’Anne, mais ils ont aussi mangé et bu avec l’enfant, ils l’ont vu grandir et progresser au fil des jours.
Il semble que Dieu ait voulu tisser, dès les premières secondes, le divin  avec l’humain dans la vie de Jésus. Les faits les plus merveilleux se mêlent de façon inextricable aux réalités les plus simples de l’existence humaine. Lorsqu’on lit les évangiles, il nous est impossible de démêler ce qui vient de Dieu de ce qui est de l’homme. Dieu a voulu assumer la moindre parcelle de notre humanité et il y a déversé la gloire de sa divinité. Plus rien de ce qui est humain n’est étranger à Dieu, mais surtout, plus rien de ce qui est de Dieu n’est étranger à l’homme.
Ce long travail d’approche, d’apprivoisement, avait commencé dans la nuit des temps, aussi loin que la mémoire du peuple d’Israël pouvait remonter dans le passé. Abraham, le père des croyants, n’avait-il pas déjà fait une expérience similaire avec la naissance d’Isaac, comme nous le rappelaient les deux premières lectures. Depuis des temps immémoriaux, Dieu avait utilisé les réalités humaines les plus simples, les plus fondamentales, pour s’approcher de l’humanité, pour nous habituer à vivre avec lui, pour se révéler.
Nous pensons parfois que la vie spirituelle, la prière, la contemplation,  la vie avec Dieu, nécessitent des conditions particulières, des rites particuliers, un certain retrait des réalités profanes. Et c’est vrai, d’une certaine manière, du moins au début. Mais peu à peu, à mesure que nous nous habituons à cette Présence, nous découvrons que toutes les réalités, même les plus banales et les plus insignifiantes, sont habitées par la Présence du Très Haut, que rien ne lui est étranger. Comme Joseph et Marie, nous faisons alors l’expérience que Jésus ne cesse de nous surprendre, de nous révéler une autre dimension de la réalité qui nous entoure.
En célébrant aujourd’hui la fête de la Sainte Famille, c’est donc la fête de toutes nos familles, de toutes nos communautés, de tous ces liens qui nous unissent les uns aux autres que nous célébrons. Dieu a voulu qu’elles soient, pour nous, un lieu de révélation et de grâce; un lieu où nous pouvons grandir et nous fortifier, et aussi un lieu où Il peut nous révéler Son Visage.
Ce contenu a été publié dans Homélies 2008. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.