Fête de la Dédicace de l’église abbatiale

(Lectures : Gn 28,10-13.16-19 ;
Hb 12,18-19.22-24 ; Jn 4,19-24)

C’est ici la maison de Dieu

Lorsque Jacob, dans sa vision nocturne, voit les anges de Dieu monter et descendre au-dessus de lui, il en conclut que c’est ici la Maison de Dieu.  Il appela la ville du nom de Béthel – Maison de Dieu.  Mais ce lieu aurait pu se situer à mille lieues de là où il se trouvait : s’il avait eu ailleurs ce même rêve, il aurait appelé le lieu Maison de Dieu

Lorsque la Samaritaine demande à Jésus quel est le vrai lieu où célébrer le Dieu d’Israël, Jésus lui répond que ce n’est désormais plus ni à Jérusalem ni au Garizim.  L’essentiel est d’adorer le Père en esprit et en vérité

Aujourd’hui nous commémorons la consécration de notre « Maison de Dieu » au Mont des Cats.  L’église est bien le cœur de notre maison, le centre qui rayonne sur tout ce que nous vivons, sur tous les bâtiments qui l’entourent.  Célébrer la consécration de notre église est l’occasion de méditer sur la place qu’elle occupe dans notre vie spirituelle, fraternelle, matérielle.  Notre Maison-Dieu n’a pas été construite parce que certains de nos prédécesseurs ont vu des anges.  Cela n’empêche : l’église monastique est le saint des Saints de l’abbaye, le lieu où nous rencontrons chaque jour Dieu et ses anges. 

Dans l’Ancien Testament les anges sont souvent mentionnés, les anges déchus ou les démons beaucoup moins d’ailleurs.  Dans les Évangiles par contre, nous voyons Jésus souvent aux prises avec les démons et les esprits mauvais.  Nous y voyons peu d’anges à l’œuvre, outre les anges des Annonciations.  Une parole de Jésus fait exception, lorsqu’il s’adresse à Nathanaël en disant :

vous verrez le ciel ouvert,
et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l’homme. (Jn 1,51)

Ce sont les mêmes anges que Jacob vit monter et descendre dans le désert…  Partout où Jésus est présent, les anges montent et descendent au-dessus du Fils de l’Homme.  C’est donc également le cas dans notre église, puisque Jésus-Eucharistie y est.  Mais nous ne voyons pas les anges…

Dans la tradition cistercienne des origines, on trouve des moines et moniales qui purent voir les anges célébrer l’office en leur compagnie.  Ainsi par exemple Saint Bernard, comme on peut le lire dans sa Vie, rapportée dans le Grand Exorde de Cîteaux :

Un jour, on célébrait des vigiles solennelles … quand on entonna le Te Deum laudamus, Bernard vit les saints anges, tout brillants de clarté et exprimant leur dévotion par un visage merveilleusement épanoui… Ils assistaient ceux qui chantaient, et se tenaient auprès d’eux, comme pour les féliciter. (Livre VII, chap IV)

On pourrait multiplier les exemples similaires, surtout pendant les deux premiers siècles de l’histoire de Cîteaux.  Mais ce n’est pas le plus important. 

L’extrait de l’épître aux Hébreux que nous avons entendue confirme que nous sommes toujours en présence des anges, des saints, de Dieu lui-même, dès lors que nous croyons en Jésus-Christ.  À plus forte raison lorsque nous nous réunissons en cette église pour la louange.  Nous sommes alors membres de la Jérusalem céleste et nous participons à la liturgie du ciel, telle qu’elle est rapportée dans le Livre de l’Apocalypse.  Prenons conscience de cette grandeur lorsque nous célébrons notre liturgie. 

Dans la Prière Eucharistique numéro I que nous utiliserons dans un instant, les prêtres s’adressent au Père en ces termes :

Nous t´en supplions, Dieu tout-puissant :
que cette offrande soit portée par ton ange en présence de ta gloire,
sur ton autel céleste,…

Les prêtres à ce moment précis s’inclinent, en signe de supplication.  Mais nous pourrions inverser les choses et expliquer ainsi : nous nous inclinons par révérence, sachant qu’à ce moment Dieu descend vers nous, et notre autel devient son autel céleste…  Le monde visible et le monde spirituel étant intimement liés, surtout lorsque nous célébrons la liturgie, principalement l’Eucharistie, il difficile de savoir si notre offrande est portée sur l’autel céleste ou si notre autel devient l’autel céleste.

Prenons conscience de la grâce qui nous est faite, de pouvoir chaque jour, à chaque heure du jour et de la nuit, nous retrouver dans cette église, Maison de Dieu.  Nous ne voyons pas les anges monter et descendre l’échelle de Jacob.  Nous ne voyons pas la Jérusalem céleste et les myriades d’anges en fêtes.  Nous ne voyons pas non plus les anges qui montent et descendent au-dessus du Fils de l’Homme.  Mais nous sommes tout de même dans le Sanctuaire des Cieux, dans le Temple de Dieu. 

Que la participation à cette Eucharistie de fête fasse grandir en nous la soif de vivre toujours davantage sous le regard de Dieu, dans l’attente de Le rencontrer et de Le Louer pour l’éternité, dans le Temple céleste.

Frère Bernard-Marie

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