Dimanche de la Passion, Année B

+

Is 50, 4-7; Phil 2, 6-11; Mc 14,1 à 15,47.

+

« Vous avez entendu le blasphème »! C’est cette simple phrase, prononcée par le grand prêtre, qui a fait brusquement basculer le sort de Jésus. Jusque là, on l’interrogeait, on cherchait à argumenter, à comprendre, à convaincre. Désormais, la violence peut se déchaîner sans retenue. « Quelques-uns se mirent à cracher sur lui, couvrirent son visage d’un voile, et le rouèrent de coups », poursuit l’évangéliste Saint Marc. C’est comme si des torrents de haine, longtemps contenus, venaient d’emporter les derniers vestiges d’humanité de cette foule en furie.

Cette accusation de blasphème, nous savons qu’elle n’a pas disparu, même en notre siècle qui se targue d’avoir fait tant de progrès. Nous savons aussi quelle violence aveugle elle peut encore déchaîner, de par le monde. Mais ce qui est le plus étonnant, le plus incompréhensible, c’est que c’est pour cette raison précise, ou plutôt sous couvert d’une telle accusation, que Jésus, meurt sur la Croix! Les hommes ont réussi à condamner l’Envoyé du Père, le Fils du Dieu Très-Haut, en l’accusant d’avoir blasphémé!

Nous sommes bien là au coeur du plus grand paradoxe du Christianisme. Lorsque Dieu se dévoile, lorsqu’Il nous montre Son Visage, à découvert, lorsqu’Il s’abaisse pour se mettre à notre portée, lorsqu’Il se fait l’un de nous, lorsqu’Il se laisse toucher et regarder, alors Dieu est rejeté, défiguré, assassiné!

Et sans doute n’est-ce pas sans raison que le premier geste des adversaires de Jésus, lorsqu’ils se laissent emporter par la haine, c’est de Lui couvrir le « visage d’un voile ». Ce Dieu là, ils ne veulent pas Le voir, ils  ne veulent pas en entendre parler. Ils préfèrent l’image qu’ils se sont fabriquée, celle d’un Dieu qui leur permettrait de détruire toute vie humaine, qui justifierait la violence et la haine qui les habite! Ils préfèrent leurs idoles de sang au vrai Dieu, ce Dieu qui va jusqu’à mourir sur la Croix!

Frères et soeurs, la Passion de Jésus n’a rien perdu de sa terrible actualité. Combien d’hommes et de femmes paient encore, chaque jour, un lourd tribut à ces fausses images d’un Dieu, au nom duquel on prétend sacrifier la vie des autres. Nos frères de Tibhirine, dont nous célébrons en ces jours le dixième anniversaire du martyre, ne sont pas les seuls à avoir donné leur vie pour dire leur foi en ce Dieu Tout-Autre, ce Dieu d’amour et de paix, si loin de nos violences et de nos haines, que Jésus est venu nous révéler!

Dans la Passion de Jésus, ce qui nous bouleverse, ce n’est pas d’abord la haine et la bêtise des hommes, mais c’est surtout cet amour infini de notre Dieu, qui a accepté de tout perdre, pour chacun d’entre nous, par amour pour nous!

 

Ce contenu a été publié dans Homélies 2006. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.