Dimanche Octave de Pâques

La foi

Quel signe vas-tu accomplir pour que nous puissions le voir, et te croire ? (Jn 6,30)
Telle est la question qui court tout au long de l’évangile selon Saint Jean et que nous retrouvons aussi dans la réponse de Thomas aux disciples dans la péricope que nous venons d’entendre.  Les autres apôtres ne sont d’ailleurs pas en reste, d’attendre un signe fort lors de la dernière montée à Jérusalem.
Le peuple attendait un Messie qui chasserait l’occupant romain hors des frontières, Jésus ne s’est jamais montré homme politique.  Les disciples aussi attendaient un geste de puissance.  C’est pourquoi la mère des fils de Zébédée demandait à Jésus que ses deux fils siègent l’un à sa droite et l’autre à sa gauche dans son Royaume (Mt 20,20-21).  Jésus n’est pas dupe de cette ambiguïté…
Jésus a fait beaucoup de signes, des guérisons, des miracles, des exorcismes… et plus il en faisait, plus les chefs religieux répondaient c’est par Béelzéboul qu’il expulse les démons (Lc 11,15).  Mais cela n’empêcha pas Jésus de continuer sa route et de commenter, le cas échéant, le durcissement du cœur de ses détracteurs.
Dans la parabole de l’homme riche et du pauvre Lazare Jésus met dans la bouche d’Abraham cette réponse ironique : S’ils n’écoutent pas Moïse ni les Prophètes, quelqu’un pourra bien ressusciter d’entre les morts : ils ne seront pas convaincus (Lc 16,31).  Et, de fait, après la résurrection de Lazare de Béthanie, le Sanhédrin se pose la question de l’accueil que les foules réservent à Jésus : Qu’allons-nous faire ? Cet homme accomplit un grand nombre de signes.  Si nous le laissons faire, tout le monde va croire en lui… (Jn 11,47-48).
Lors de l’arrestation de Jésus, au jardin de Gethsémani, Pierre coupe l’oreille d’un des assistants du grand prêtre.  Et Jésus répond Crois-tu que je ne puisse pas faire appel à mon Père ? Il mettrait aussitôt à ma disposition plus de douze légions d’anges (Mt 26,53).  Et, dans l’Évangile selon Saint Jean Jésus répond à Pilate : Ma royauté n’est pas de ce monde ; si ma royauté était de ce monde, j’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs. En fait, ma royauté n’est pas d’ici (Jn 18,36).
Et, lorsque Jésus pend à la croix, les grands prêtres se moquaient de lui en disant : qu’il descende maintenant de la croix, et nous croirons en lui ! (Mt 27,42).
Mais à tout cela, Jésus ne répondit jamais rien.  Il alla son chemin, sachant que la foi gagnée par des actes de puissance n’est qu’une adhésion craintive.  La foi doit être un acte libre du cœur, et non pas une évidence qui s’impose.  Pour toucher les cœurs, Jésus a pris le chemin de l’humilité.  Il a été, encore davantage que Moïse, l’homme le plus humble que la terre ait porté (Nb 12,3).
Mais revenons à Saint Thomas… Malgré la Bonne Nouvelle que lui annoncent les apôtres, il ne veut pas croire sans voir… Il met comme condition à sa foi, une preuve : voir Jésus et le toucher.  Lorsqu’Il apparaît à nouveau, en présence de Thomas, Jésus ne dit pas : maintenant tu n’as plus besoin de croire puisque tu m’as vu…  Non, Il dit : cesse d’être incrédule, sois croyant.
Les preuves ne sont jamais contraignantes.  Les preuves les plus fortes de la divinité du Christ nous laissent toujours libres.  La vision de Jésus ressuscité n’oblige pas  Thomas.  Même face à la preuve par excellence de la résurrection de Jésus, Thomas doit faire un acte de foi : sois croyant.  La foi est un acte libre, l’adhésion à une personne.  Il s’agit d’un acte libre, un acte d’amour.
Jésus ne nous impose rien.  Dieu nous a créé libres.  Libres de croire ou de ne pas croire.  Libres d’interpréter les miracles comme actes de Béelzéboul ou comme actes divins.  La foi n’est pas affaire de connaissance mais demande une adhésion libre… La foi se nourrit davantage de la prière que de preuves.
À Thomas Jésus dit encore : heureux ceux qui croient sans avoir vu.  Par-delà le doute que Thomas avait exprimé, Jésus l’invite à un acte de foi.  Ce même acte de foi auquel Jésus invite tous les chrétiens, auquel Jésus nous invite chacun de nous aujourd’hui même.
C’est pourquoi Saint Jean termine ce chapitre de son Évangile en nous rappelant qu’il n’a pas écrit tout ce que Jésus a dit et fait.
Mais ceci y a été écrit, affirme-t-il,
pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu,
et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom.
En cette eucharistie du Dimanche de la Divine Miséricorde, demandons à Jésus deux choses :
la première, pardon pour notre manque de foi et nos doutes…
la seconde a été exprimée dans la prière d’ouverture de cette célébration :
Augmente en nous ta grâce pour que nous comprenions toujours mieux quel baptême nous a purifiés, quel esprit nous a fait renaître et quel sang nous a rachetés.
Avec la force reçue dans ce sacrement, nous pourrons témoigner que Christ est ressuscité et qu’Il nous a ouvert les portes de la vie éternelle.

Frère Bernard-Marie

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