Vingt-quatrième Dimanche du Temps Ordinaire

Jusqu’à soixante-dix fois sept fois.

La légende du Juif errant trouve son origine dans la malédiction qu’encourut Caïn après avoir tué son frère Abel.  Dans le Livre de la Genèse Dieu dit à Caïn :
Sois maudit et chassé du sol fertile qui a ouvert la bouche pour recevoir de ta main le sang de ton frère… tu seras un errant parcourant la terre. (Gn 4,11.12)
Caïn ayant affirmé que sa peine était trop lourde à porter et qu’il serait tué par le premier venu, Dieu adoucit sa peine en disant :
Si quelqu’un tue Caïn, on le vengera sept fois
(Gn 4,15)
Lamek, le petit-fils de Caïn dit à ses femmes : (Gn 4,24)
J’ai tué un homme pour une blessure, un enfant pour une meurtrissure.
C’est que Caïn est vengé sept fois, mais Lamek, soixante-dix-sept fois !

Le mal s’est donc multiplié dans le monde, et la vengeance également.  Lorsque Dieu intervient dans la vie du Peuple, Il doit commencer par contrecarrer cette spirale infernale.  Dès le Décalogue Dieu enseigne aux Juifs l’amour entre les hommes et le respect des personnes, d’abord et surtout envers les membres du Peuple élu.  C’est ainsi que Dieu enseigne de ne pas prêter avec usure, de ne pas garder en gage le manteau du pauvre, puisqu’il l’utilise pour se couvrir la nuit et autres lois similaires.  Mais par-dessus tout, Dieu ordonne d’en revenir à la loi du talion :
Fracture pour fracture, œil pour œil, dent pour dent. Tel le dommage que l’on inflige à un homme, tel celui que l’on subit (Lv 24,20 ; Ex 21,24 ; Dt 19,21 etc)

Du temps de Jérémie Dieu va plus loin et interdit d’utiliser le dicton le père a mangé des raisins verts, les dents des enfants sont gâtées.  Chacun mourra pour ses fautes à lui et non plus pour les fautes de ses pères, chacun sera récompensé pour le bien qu’il a fait, lorsque Dieu conclura une Alliance nouvelle :
Je mettrai ma Loi au fond de leur être et je l’écrirai sur leur cœur.
Alors je serai leur Dieu et eux seront mon peuple.
(Jr 31,29-30.31.33)

Jésus est venu nous donner cette Loi nouvelle, inscrite dans notre cœur.  Dès ses premières instructions, Il nous demande de ne pas faire à autrui ce que nous ne voudrions pas qu’ils nous fassent.  Et de manière plus explicite, dans le Sermon sur la Montagne Jésus revoit le Décalogue en disant :
Vous avez appris qu’il a été dit : Œil pour œil et dent pour dent.
Et moi, je vous dis de ne pas résister au méchant.
Au contraire, si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre.
(Mt 5,38-39)

C’est la Loi d’Amour que Jésus enseigne, et il n’est plus possible dès lors de rendre œil pour œil, dent pour dent.  Nous sommes invités à pardonner les offenses subies et à ne pas exiger réparation des maux infligés.
C’est dans ce contexte que Saint Pierre dans l’Évangile de ce matin demande à Jésus jusqu’à combien de fois il nous faut pardonner l’offense de nos frères.  Pierre estime qu’il fait déjà un effort important en proposant de pardonner jusqu’à sept fois.  Nous savons en effet que la tradition rabbinique, elle, se limite à demander le pardon jusqu’à trois fois seulement.  Jésus répond en nous demandant de pardonner jusqu’à soixante-dix fois sept fois, c’est-à-dire de manière définitive et irréversible.
Alors que la Genèse parlait de sept fois et soixante-dix-sept fois pour la vengeance, Jésus à l’autre extrémité nous invite à pardonner soixante-dix fois sept fois. Jésus nous demande un pardon complet et inconditionnel, à l’exemple de Dieu le Père qui nous a pardonné d’avance toutes nos fautes, toutes nos infidélités.
Tel est le message que Jésus nous donne aujourd’hui.  La parabole qui suit sa réponse à Pierre ne veut que nous aider à prendre conscience que c’est le Père qui nous pardonne toujours le premier et qu’Il nous invite à en faire autant.
Que la participation à cette Eucharistie nous aide à prendre conscience combien nous sommes pardonnés et combien nous avons à pardonner.

Frère Bernard-Marie

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