Funérailles de Frère Jules Destombes

Sagesse 2, 23; 3, 1-6.9; Marc 10, 28-30.

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C’est avec des sentiments mélangés, de peine et de joie, que nous sommes rassemblés, cet après-midi, autour de notre Frère Jules. Lui-même n’aimait pas trop être au centre de l’attention. Il préférait la discrétion et la simplicité de l’humble service de ses frères.

Au début de cette Eucharistie, rendons grâce au Seigneur pour cette vie si belle, et demandons-Lui de nous apprendre, à nous aussi, à vivre et à mourir comme notre frère, en rayonnant autour de nous la paix, la simplicité et la joie.

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C’est toute la vocation et la vie de notre frère Jules, qui s’éclairent à la lumière des deux textes, tirés des Ecritures, que nous venons d’entendre.

Qui ne reconnaîtrait, en effet, dans le solide paysan entré au Mont des Cats en 1957, ce prototype de l’homme juste que nous décrivait le Livre de la Sagesse? Ou encore qui ne pourrait retrouver, dans la bouleversante simplicité du passage de l’Evangile de Marc, que nous venons d’entendre, la vie humble et sereine de notre frère?

F Jules, en effet, ne s’embarrassait pas de subtilités. Il ne passait pas son temps, comme nous le faisons si souvent, à s’interroger ou à s’examiner, à remettre en question ou à rêver à autre chose. Mais c’est tout droit, avec cette endurance et cette ténacité propre aux gens issus de la campagne, que cet homme de la terre a vécu son long cheminement de moine au Mont des Cats. Il était entré au Monastère, homme déjà mûr, pour y chercher vraiment Dieu. Et il l’a cherché, avec cette fidélité touchante des justes, qui creusent inlassablement le même sillon, sans dévier ni à droite, ni à gauche. Il savait pourquoi il était venu ici. Pour lui, tout était simple.

Cela ne l’empêchait pourtant pas d’exercer une curiosité bienveillante dans touts les domaines. Bien qu’il ait, presque toute sa vie, travaillé dans les profondeurs de la cave à fromage, nul mieux que lui, au Mont des Cats, ne connaissait le moindre recoin, de la cave au grenier, le moindre repli de terrain ou le plus petit arbre récemment planté. Nul, mieux que lui, n’a suivi, avec autant d’attention et de respect, le travail de ses frères ou des entreprises qui, peu à peu, ont changé la physionomie de notre monastère. Il s’intéressait à tout, il s’intéressait à chacun.

De cette attention sympathique, il n’excluait personne, parmi tous ceux qui passaient également à la porterie du monastère. Mais il avait cet art particulier des moines anciens, pétris de prière et de solitude, qui savent écouter sans retenir, aimer sans chercher à s’imposer. C’est d’une tendresse toute spéciale, faite de chaleur et de discrétion, qu’il entourait tous ceux qui ont eu la chance de l’approcher. Parce qu’il avait tout donné, comme le disait Jésus dans l’Evangile, il a reçu des frères au centuple, et peut-être même au delà.

C’est sans se presser, en prenant son temps, comme il a toujours vécu d’ailleurs, que notre Frère Jules nous a quittés, ce lundi 16 janvier, alors que l’office de Sexte déroulait sa lente psalmodie, dans la chapelle. Je n’ai pu m’empêcher alors de penser, de nouveau, à cette curiosité toujours en éveil, qui lui faisait explorer les moindres recoins du monastère, mais aussi à cette proverbiale prudence, qui lui faisait longuement peser chacune de ses paroles et de ses décisions. Car ce n’est qu’après avoir longuement exploré l’autre côté du voile de cette vie, revenant de temps à autre, pour reprendre une goulée d’air, avant de replonger de nouveau, qu’il s’est enfin décidé à sauter le pas, ou plutôt à glisser tout doucement, tout naturellement, vers l’autre rive.

De cette longue vie paisible et apaisante, passée au service de cette communauté qu’il aimait tant, il laisse à chacun de nous ce trésor d’une joie sereine, d’une  force pleine de douceur, et ce désir de découvrir, à notre tour, le seul trésor qui vaille vraiment la peine d’y consacrer tout une vie: le Christ Jésus, notre Sauveur.

 

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