Sixième Dimanche Temps Ordinaire, Année B

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Lv 13, 1-46; 1 Co 10, 31 à 11,1; Mc 1, 40-45.

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« Ta guérison sera pour les gens un témoignage »! Telle est la conclusion de Jésus, après qu’il eût recommandé au lépreux guéri de ne rien dire à personne. Ainsi Jésus ne cherche pas à se cacher ou à dissimuler les merveilles de Dieu, mais Il préfère la puissance du témoignage au bruit des mots et à l’enthousiasme des foules. Et si cela peut nous étonner, l’évangéliste s’en explique dans le verset suivant, en décrivant les conséquences des paroles indiscrètes du miraculé: « il n’était plus possible à Jésus d’entrer ouvertement dans une ville ».

Cette distinction faite par Saint Marc entre la puissance silencieuse du témoignage, et l’ambiguïté de la parole, vaut encore pour nous aujourd’hui. Bien souvent nous sommes tentés de préférer l’argumentation et la séduction du verbe à la simplicité du témoignage silencieux de la vie. Nous imaginons que nous pourrions faire plus, faire mieux, en proclamant, en argumentant, en essayant de convaincre.

Or, ce que Jésus veut nous faire découvrir, dans cet épisode de la guérison d’un lépreux, c’est que le bruit fait autour de ce miracle, l’enthousiasme qu’il suscite, loin de servir son ministère de proclamation de la Parole, lui fait obstacle et le rend  inopérant. Jésus n’aura-t-il pas d’ailleurs la même réaction face au démon qui le priera de s’éloigner et se metra à crier que Jésus est « le saint de Dieu »!

Aux proclamations tonitruantes, aux discussions oiseuses avec les pharisiens, à l’enthousiasme changeant de foules versatiles, Jésus préfère le silence du désert et la discrétion du témoignage de celui qui se laisse transformer en profondeur par Sa Parole. Dieu travaille en silence, dans le secret. Ses oeuvres témoignent par elles-mêmes. Elles sont un langage universel, qui touche les coeurs les plus endurcis et renverse toutes les barrières, sociales, culturelles et raciales.

Nous voilà donc renvoyés à nous-mêmes, à notre propre témoignage. Au delà de tous les beaux discours sur la vie monastique, sur la prière et l’amour fraternel, notre existence concrète est-elle ce langage universel, ce témoignage silencieux qui dit le Nom de Dieu aux hommes de notre temps? Et d’abord à nos frères les plus proches?

Nous ne pouvons nous empêcher de penser à notre Frère Georges, que nous avons enterré hier, et dont la vie était devenue pour nous et aussi pour ceux qui passaient au monastère, une parabole vivante du Royaume. Il ne prêchait pas, il vivait simplement sa vie de baptisé, de moine. Et cela suffisait pour toucher et transformer tous ceux qui l’approchaient. De ces humbles services, qu’il affectionnait tant, il a fait un langage universellement compréhensible, qui savait parler aux âmes.

Car tel est bien, en définitive, l’enjeu véritable, ce que Jésus cherche par dessus tout. Non pas convaincre à force d’arguments, non pas faire plier la raison de ceux qu’il rencontre, mais toucher leur âme, cette part la plus secrète et la plus profonde de notre être. C’est là, dans ce lieu secret du coeur, que Dieu veut nous faire revenir. C’est là qu’est cachée, souvent très profondément enfouie, cette part la plus précieuse de nous-mêmes, au point que nous en ignorons souvent le chemin.

Pour la retrouver, pour y retourner, nous avons besoin, un besoin urgent, de ces apôtres de l’âme, de ces maîtres es-sciences de l’amour, qui peuvent nous aider à retrouver, en nous-mêmes et dans nos frères, l’image obscurcie de Celui  qui nous a faits! Car c’est pour Lui que nous avons été faits, et notre coeur est sans repos, tant qu’il ne repose en Lui!

 

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