Troisième Dimanche de Carême

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Ex 20,1-17; 1 Co 1, 22-25; Jn 2, 13-25.
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Le parfum de scandale, auquel fait allusion l’apôtre Paul, dans sa première épître aux corinthiens, lorsqu’il évoque la Croix du Christ, se retrouve, avec la même intolérable violence, dans le passage de l’évangile de Jean, que nous venons d’entendre. Nous sommes bien loin de l’image lénifiante et un peu sucrée d’un Jésus gentil et facile, tel qu’on aime à le représenter bien souvent aujourd’hui. En brisant ainsi l’iconographie contemporaine d’un christianisme doucereux, les lectures de ce jour nous obligent à aller plus loin, à creuser plus en profondeur notre foi. Non, notre Dieu n’est pas un Dieu fade et insipide, que l’on pourrait accommoder à toutes les sauces, que l’on pourrait adapter à toutes les modes du moment.

Malgré l’hostilité croissante des chefs du peuple et les manoeuvres des pharisiens qui cherchent à le prendre en défaut, Jésus n’hésite pourtant pas à agir, à dénoncer, à pointer du doigt les dérives commerciales du culte du Temple. Dans ce geste de révolte, il y a non seulement un sursaut d’indignation, une sainte colère,  il y a non seulement la revendication de sa propre filiation divine, mais il y a aussi la révolte contre tout ce qui rabaisse la dignité de l’homme au rang d’objet commercial. Jésus refuse d’entrer dans cette logique, qui ne date malheureusement pas d’aujourd’hui, et qui voudrait que tout puisse se vendre et s’acheter! Jusqu’à  la miséricorde de Dieu!

En effet, lorsque Jésus s’écrie: « ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic », il ne proteste pas seulement contre le détournement du culte rendu à Dieu, ce qui est déjà grave, mais il nous révèle aussi comment notre manière de prier, de célébrer, est le reflet de la conscience que nous avons de notre propre dignité. Car la Sainte Liturgie n’est pas seulement un culte rendu à Dieu, mais elle est aussi le lieu où Dieu révèle à l’homme son propre mystère, sa merveilleuse vocation d’homme. En effet, lorsque nous célébrons « le poème de la Sainte Liturgie », c’est Dieu qui nous dévoile le mystère de l’homme, créé « à Son image et à Sa ressemblance » !

Ce qui fait la dignité infinie de l’homme, de tout homme, c’est cette vocation divine de chacun d’entre nous, que Jésus est venu nous annoncer, à travers la Bonne Nouvelle. Nous ne sommes ni les pièces interchangeables de la grande machine de l’évolution, ni les pions de quelque jeu de pouvoir, ni les  enjeux d’un quelconque échiquier politique, économique ou financier. Mais nous sommes des êtres uniques et irremplaçables.

Et c’est précisément le rôle de la liturgie, de nous sortir de ces schémas qui nous sont si familiers, et où nous avons tellement l’habitude d’être classés, en consommateurs ou producteurs, en riches ou pauvres, en malades ou bien-portants, en gagnants ou perdants, pour nous aider à découvrir le prix que nous avons aux yeux de Dieu, pour nous apprendre à regarder l’invisible.

Le rôle de la Sainte Liturgie, son sens le plus profond, sa mission irremplaçable, et tellement urgente aujourd’hui, ce n’est pas de célébrer ce que nous sommes, ce que nous faisons, ce que nous savons, mais c’est de nous montrer ce que nous sommes appelés à être, de nous ouvrir sur la part la plus mystérieuse et la plus secrète de notre humanité, de nous dévoiler cette face cachée de nous-mêmes, où Dieu a choisi d’établir Sa demeure, depuis les origines.

 

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