Quatrième dimanche de Carême, Année B

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2 Ch 36, 14-16, 19-23; Eph 2, 4-10; Jn 3, 14-21.

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Il y a des moments, dans la vie d’un homme, où le mal semble prendre le dessus, où l’accumulation du péché semble vouloir submerger toute notre existence. Alors, même si cela reste douloureux,  c’est presque avec une espèce de soulagement que nous accueillons l’effondrement de ce que nous avions essayé d’édifier, avec tant de passion. Nous revivons, à notre tour, cette expérience singulière  du peuple d’Israël, telle qu’elle nous était relatée dans le second livre des Chroniques, où l’échec devient un lieu de grâce, de libération, de purification.

Très tôt, Israël a reconnu, dans les désastres et les échecs qui le frappaient, les signes d’une attention particulière de son Dieu, d’un amour de prédilection à son égard. Dieu ne pouvait abandonner son peuple à la folie du péché et de l’autodestruction. Et même si cet amour jaloux du Seigneur prenait  parfois des allures terribles, peu à peu, les prophètes ont appris à reconnaître que ces retournements de l’histoire étaient bien le signe d’une préférence, d’une infinie tendresse.

Pour chacun d’entre nous, comme pour Israël, ce sentiment très profond d’avoir besoin d’être sauvé de soi-même, va donc de pair avec cette expérience bouleversante de l’attention bienveillante de Dieu à notre égard. Dieu ne nous laissera pas tomber; Il ne nous laissera pas errer loin de Lui, au gré des illusiosn de notre coeur endurci. A cause de ce « grand amour dont il nous a aimés », le Fils de Dieu est venu en ce monde, prendre chair de notre chair, pour nous sauver, nous qui en avons tant besoin.

Cette double expérience, celle de notre incapacité à nous en sortir par nos propres forces, et celle de l’amour inconditionnel de Dieu à notre égard, est au coeur de l’enseignement de l’Apôtre Saint Paul aux Ephésiens, tel que nous l’avons entendu dans la seconde lecture. Et cette atmosphère de bienveillance, ce souffle de bonté qui traverse les deux premières lectures, nous amène tout naturellement à considérer d’une manière tout à fait différente le serpent d’airain élevé par Moïse dans le désert, figure de  la Croix du Christ.

Le vrai problème n’est plus le mal que nous avons commis, le péché qui marque si profondément nos existences, mais bien l’amour de Dieu qui nous sauve. Si Saint Jean insiste sur cette part de ténèbres qui nous habite, s’il évoque le mal qui veut nous engloutir dans la mort, ce n’est pas pour nous décourager, mais plutôt pour nous faire prendre conscience, jusqu’à l’excès, de notre désir d’en sortir, d’en être libérés, débarrassés. Nous sommes faits pour la lumière, pour la beauté, pour la vérité.

La conscience douloureuse d’être pêcheur, la perspective du jugement de Dieu, n’ont rien de morbide ou d’angoissant. Elles sont les prémisses nécessaires et bienfaisantes de l’expérience libératrice du salut en Jésus-Christ, de la joie de Dieu. C’est lorsque nous aurons pris conscience, par grâce, que sans Lui, nous ne pouvons rien faire, absolument rien, que nous pourrons enfin lui abandonner, sans crainte, la conduite de notre vie. C’est cela, le jugement de Dieu!

 

 

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