Solennité de la Pentecôte, Année B

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Act 2, 1-11; Gal 5, 16-25; Jn 15, 26-27; 16, 12-15.
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Après la Résurrection de Jésus, les disciples furent déchirés par des sentiments contradictoires. D’une part, ils avaient ressenti une joie immense à la vue de Jésus Ressuscité. Ils avaient pu le voir, le toucher, lui parler. Ils avaient mangé et bu avec lui. Mais d’autre part, devant l’immensité de la tâche que Jésus leur avait confiée, ils ne pouvaient s’empêcher de ressentir avec effroi leur insuffisance et leur pauvreté.

Cette joie douloureuse, cette mission trop grande pour eux, tout cela leur faisait ressentir avec plus d’acuité leurs propres limites. Comment pourraient-ils annoncer jusqu’au bout du monde, parmi toutes les nations, la Bonne Nouvelle de Jésus, alors que la peur les retenait cachés derrière les portes bien verrouillées de leurs maison? Qui donc les ferait sortir d’eux-mêmes, pour affronter le grand vent du monde, alors que Jésus n’était plus là, au milieu d’eux, pour les encourager, les soutenir, les bousculer?

L’expérience de la Pentecôte, que nous rapportent les Actes des Apôtres, c’est d’abord l’expérience d’un retournement, de l’éclatement de toutes ces peurs, de tous ces doutes, qui empêchaient les Apôtres de sortir d’eux-mêmes. En tournant leur regard vers Jésus, en remplissant leur coeur de l’amour de Jésus, l’Esprit Saint a d’abord fait éclater leur petit monde centré sur eux-mêmes, sur leurs peurs, leurs doutes, leurs inquiétudes.

En effet, ce que l’Esprit de vérité révèle aux disciples, c’est que Dieu est plus fort que toutes leurs limites, que Dieu est plus grand que toutes leurs peurs, que Dieu peut tout en celui qui s’abandonne à Lui. La vérité de l’homme n’est pas sa finitude, sa faiblesse, son péché, mais c’est cet amour infini de Dieu qui  nous relève, nous soutient, nous pardonne et nous remet debout. Et c’est justement cette vérité qui rend libre, libre de tout ce qui nous empêchait de vivre et de respirer, libre pour témoigner que l’amour est vainqueur de toute forme de mort, et qu’il est plus puissant que toutes les forces du mal.

Cette expérience de la Pentecôte peut aussi devenir la nôtre. Ne sommes-nous pas, nous aussi, emprisonnés dans ces mêmes passions, qui rongeaient et enchaînaient les Galates, comme le disait Saint Paul dans la seconde lecture? L’impureté, la jalousie, la haine, les querelles de toutes sortes ne nous empêchent-elles pas, nous aussi, de laisser se déployer en nous la force de l’Esprit? Ne sommes-nous pas bien souvent tellement centrés sur nous-mêmes, rivés à nos propres préoccupations, que nous nous en rendons malades? Nous accusons Dieu et les autres, la vie et le monde, le destin et la société, et nous ne voyons plus que nous sommes devenus pour nous-mêmes notre pire ennemi. C’est d’abord de nous-mêmes que nous avons besoin d’être sauvés, d’être libérés.

Mais cette libération, cette guérison, nous ne pouvons les vivre que si nous accueillons l’Esprit de Jésus, qui nous appelle à devenir des témoins. Et devenir témoin, c’est vivre de la parole de Jésus. Mais la Parole de Jésus a cela d’étonnant et de paradoxal qu’elle promet le bonheur à celui qui accepte de tout perdre, en se perdant soi-même.

Frères et soeurs, la Pentecôte c’est d’abord une aventure spirituelle. Elle est ce moment extraordinaire où l’Eglise est née, où chacun de nous est appelé à renaître, du souffle de l’Esprit, en laissant derrière lui tout ce qui l’empêchait de vivre. Elle est cette fête de l’éternel commencement, de la nouvelle création qui n’attend que notre consentement pour éclater, comme un nouveau printemps du monde, au coeur de la vie de chacun d’entre nous.

 

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