Funérailles de Père Yvon

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Rom 12, 3-8 ; Jn 3, 1-17

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Frères et sœurs, nous sommes rassemblés ce soir autour de notre Père Yvon. Et la Vierge Marie, que nous avons célébrée aujourd’hui sous le vocable de Notre Dame du Rosaire, vient à notre rencontre pour nous aider, nous consoler, nous encourager à continuer ce que notre frère nous a enseigné. Au seuil de cette eucharistie, laissons-nous guider par cette prière des Psaumes que notre frère aimait tant, vers Celui qui seul peut combler notre cœur, Jésus, le Fils de Marie et le Fils du Père.

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Comme Nicodème, Père Yvon faisait partie de ces « sages en Israël », dont la science embrassait une multitude de domaines, et dont la culture éblouissante paraissait presque universelle. Rien ne semblait étranger à son esprit. Mais, derrière cette curiosité et cette recherche insatiables du professeur d’université qu’il a été, se cachait aussi un cœur d’enfant, un cœur de pauvre. Comme Nicodème, Père Yvon avait traversé bien des nuits, bien des peurs et des doutes. Il avait dû, lui aussi, accepter de renaître, de tout recommencer.

Et ce recommencement, cette nouvelle naissance, comme le précise Jésus, dans l’Évangile que nous venons d’entendre, Père Yvon l’a vécue ici, dans ce monastère du Mont des Cats où il s’est senti accueilli, estimé, aimé. C’est ici, dans le retrait et le calme de cette vie austère de Trappiste, et malgré le travail manuel qui lui était parfois un lourd fardeau, qu’il retrouva la source de la joie. Il ne renia ni n’oublia pas pour autant tout ce qui avait jusque là rempli sa vie. Ses chères études de théologie, son ministère d’enseignement, les liens profonds qu’il avait noués, au fil de toutes ces années, il les a conservés, préservés, cultivés, dans la partie la plus secrète de son cœur.

Mais si des générations de moines et de laïcs lui doivent leur goût pour l’étude et la recherche, c’est surtout son don d’écoute, et cette bienveillance pleine de douceur et d’humilité qui nous ont tous profondément marqués. Car, comme le disait saint Paul, dans le passage de l’Épître aux Romains que nous venons d’entendre, c’est « en rayonnant de joie » qu’il a exercé la miséricorde.

Ce don de la miséricorde, il a pu nous le transmettre, parce qu’il en avait lui-même fait l’expérience, dans sa propre vie. Il pouvait tout entendre, parce que, d’une certaine manière, il avait lui aussi traversé la faiblesse et la misère humaines. Il connaissait les méandres du cœur humain, et ne s’étonnait de rien, parce qu’il était lui aussi descendu dans ces abîmes qui habitent le cœur de tout homme et de toute femme. Il savait, d’expérience, que « Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui ».

Et cette conviction a fini par colorer d’un humour malicieux sa façon de voir et de comprendre les événements. Il avait fini par acquérir cette science du sourire de Dieu, qui transfigure les situations les plus cocasses, les événements les plus embrouillés, les drames en apparence les plus insolubles. Il savait que Dieu peut tout, si nous nous laissons faire, si nous Le laissons faire. Car rien n’est jamais perdu pour Dieu.

 

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