Quatrième Dimanche du Temps Ordinaire, Année C

Jr 1, 4-5.17-19 ; 1 Co 12, 31-13, 13 ; Lc 4, 21-30

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Et pourtant, tout avait plutôt bien commencé. Comment Jésus en était-il arrivé là ? Que s’était-il donc passé pour qu’il se fasse ainsi jeter par ses propres concitoyens et qu’il risque de ne jamais pouvoir accomplir la mission pour laquelle il avait été envoyé ?

S’il était arrivé quelque chose, l’enquêteur tâtillon de l’administration romaine de l’époque aurait sans doute conclu alors à la mort d’un agitateur de province qui n’avait pas su tenir sa langue. En effet, quelle idée d’aller dire à des gens bien ancrés dans leurs habitudes, sûrs de leur bon droit, qu’ils doivent en changer ! Vraiment, Jésus manquait de diplomatie. Et il aurait sans doute conclu son rapport, en plusieurs exemplaires, par une formule de ce genre : « toute vérité n’est pas bonne à dire », ou bien : « le premier qui dit la vérité, il doit être exécuté » !

Au fond, le tort de Jésus, c’était d’avoir osé dire la vérité, d’avoir osé prétendre mettre de la vérité là où l’on se contentait de vivre dans l’à peu près, cet à peu près qui fait la trame de nos vies, aujourd’hui encore. Cet à peu près dont nous nous contentons si souvent ?

En effet, ne nous y trompons pas, ce ne sont pas seulement les gens de Nazareth qui avaient du mal à accepter la vérité. Nous sommes dans le même cas aujourd’hui encore. Certes, nous ne nous salirions plus les mains en jetant le trublion par-dessus la rambarde, mais il existe des moyens bien plus propres aujourd’hui pour arriver au même résultat. Les peaux de banane médiatiques, les fausses révélations sont monnaie courante. Quoi de mieux que des insinuations pour tuer la vérité ?

Car, au fond, notre peur de la vérité est la même que celle des concitoyens de Jésus. Nous n’avons pas la tête moins dure, le cœur moins fermé, les oreilles moins bouchées qu’eux. Notre rapport à la vérité n’est guère plus clair. Le décor a changé, mais la peur est restée. Après tant de siècles, Jésus n’est toujours pas le bienvenu chez lui, dans sa propre parenté, chez ceux qui se réclament de lui. Chez nous !

Nous pourrions nous arrêter là, sur cette triste constatation, et replier nos affaires pour aller voir ailleurs, chercher une vérité plus facile à avaler, moins exigeante et moins dérangeante. C’est ce que font d’ailleurs pas mal de nos contemporains. Au fond, quand la vérité ne plaît pas, aujourd’hui, on s’en fabrique une sur mesure ! Mais cela n’avance pas à grand-chose, car la vérité est une, et elle reste ce qu’elle est.

Et c’est le coup de génie de Saint Luc, quand il nous décrit Jésus passant au milieu de ceux qui voulaient en finir avec lui, qui nous aide à mieux comprendre ce que veut vraiment Jésus. Si nous ne voulons pas de la vérité, la vérité va son chemin, elle continuera, inlassablement, avec la tendre persévérance, le doux entêtement de l’amour, à venir traverser nos vies, déranger nos habitudes !

Chers frères et sœurs, ce qui est merveilleux avec Dieu, c’est qu’il continuera à nous casser les pieds jusqu’au bout, jusqu’au dernier instant de notre vie. Il ne nous laissera jamais tomber, nous engluer dans nos erreurs. Il est venu pour nous sauver, et il continuera à passer, à traverser nos vies, à déranger nos prévisions, parce qu’il nous aime. Si nous le jetons par la fenêtre, il rentrera par le toit, il se glissera sous la porte. Que lui importe. Dieu n’a aucune dignité à sauver. Il nous aime plus que nous-mêmes.

Et c’est pourquoi l’Église doit suivre l’exemple de son Maître, continuer contre vents et marées, à temps et à contre temps, à répéter sans se lasser, même si elle en devient insupportable, cette vérité qui dérange et gêne les maîtres de ce monde. Quelle plus belle preuve d’amour que d’oser dire la vérité à ceux qu’on aime ? Quel plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ? L’amour n’a peur de rien, sinon de ne pas avoir assez aimé !

 

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