Septième Dimanche du T.O., C

1 Sam 26, 2-23; 1 Cor 15, 45-49; Lc 6, 27-38.

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Elles peuvent nous sembler terriblement naïves et tout à fait irréalistes, ces paroles de Jésus, que nous rapporte l’évangéliste Saint Luc. Car l’expérience de la vie nous enseigne plutôt le contraire. Cela signifierait-il alors que l’Evangile est fait pour de doux rêveurs, des irresponsables qui n’auraient pas les pieds sur terre?

Cette question, nous avons le droit et même le devoir de nous la poser. En effet, de quel droit oserions-nous enseigner et prêcher à d’autres ce que nous-mêmes retiendrions comme impossible et même dangereux?

Nous sommes certes prêts à aimer nos ennemis, mais de loin. Nous sommes peut-être disposés à ignorer ceux qui nous calomnient et nous menacent. Mais les exigences de Jésus, quand il nous demande de les aimer, dépassent notre mesure. Elles nous paraîssent hors de notre portée, trop élevées pour nous, réservées à quelque élite qui vivrait à l’écart des dures réalités de ce monde.

Certes, la grandeur d’âme du roi David, comme nous le rapportait la première lecture tirée du livre de Samuel, nous touche et nous émeut. A celui qui le poursuivait pour le tuer, David a laissé la vie sauve, par respect pour sa fonction royale. David avait déjà compris que Saül n’était pas seulement son ennemi. Il ne le réduisait pas à ses actes. Il savait discerner en lui un appel, une vocation, dont il mesurait la grandeur. Il savait que toute existence humaine a toujours une autre dimension.

C’est bien ce que souligne Jésus, dans l’Evangile que nous venons d’entendre. Toute relation humaine, qu’elle soit une relation de haine ou une relation d’amour, ne peut se réduire à ceux qui la vivent. Dieu y a toujours sa part. Et, d’une certaine façon, cette présence d’un autre fait éclater le cadre étroit de nos amours et de nos haines. Notre relation aux autres ne prend sa véritable signification que si nous la regardons à la lumière de notre relation à Dieu.

En effet, nous sommes toujours prêts à nous plaindre du mal qu’on nous fait, toujours prompts à reprocher aux autres leur indifférence ou leur incompréhension, mais quelle attention prêtons-nous à Celui qui nous donne la vie, la croissance et l’être? Nous agissons bien souvent comme si tout nous était dû, comme si tout le mal que nous faisons ou que nous disons n’avait pas d’importance.

En nous demandant d’aimer nos ennemis, Jésus nous place, en fait, face à nos propres contradictions. En effet, nous passons notre temps à exiger de Dieu qu’Il nous aime et nous bénisse, alors que nous nous comportons comme ses ennemis, ou que nous L’ignorons. Nous passons notre temps à Lui demander qu’Il accomplisse tous nos caprices et réalise tous nos rêves, pour L’oublier tout aussitôt. Nous oublions tout le bien qu’Il fait pour nous, à chaque instant, et Lui reprochons sans cesse de ne pas combler notre attente, de ne pas prévenir nos désirs.

En nous demandant d’aimer nos ennemis, Jésus nous révèle en fait surtout le regard que Dieu pose sur nous, la façon dont Dieu agit avec nous, depuis toujours. Car, alors que nous posons d’innombrables conditions préalables, Dieu nous aime, Lui, sans conditions. Il prête, et Il nous donne même, sans rien espérer en retour. Il pardonne et Il aime, même si nous ne L’aimons pas. Alors que nous nous comportons si souvent comme ses ennemis, Il ne cesse de nous donner la vie, sans mesure, sans regret, sans rien réclamer en retour.

 

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