Solennité du Saint Sacrement, Année C.

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Gn 14, 18-20 ; 1Co 11, 23-26 ; Lc 9, 11b-17.

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L’endroit était désert et la foule nombreuse, la nuit commençait à tomber. La Parole de Jésus avait attiré cette foule loin des sentiers battus. Depuis le lever du soleil, suspendus à ses lèvres, ils avaient bu ses paroles, affamés de l’entendre parler du Royaume de Dieu. Mais la nuit allait bientôt tomber. Il faudrait se quitter, retourner aux simples réalités de la vie quotidienne. Il fallait bien manger un peu, reprendre des forces pour retourner chez soi. Certes, la Parole de Jésus avait galvanisé les coeurs, mais le corps a aussi ses nécessités.

C’est dans ce contexte un peu particulier, au coucher du soleil, alors que les ombres s’allongent et que la fraîcheur envahit la terre, que Saint Luc situe le miracle de la multiplication des pains. Face au désarroi des disciples, devant cette réalité humaine qui les dépasse, Jésus fait de ces quelques pains et de ces deux poissons un véritable festin, suffisant pour nourrir une foule. La Parole, en bénissant les dons, devient nourriture, Elle se donne en nourriture.

Tel est bien le mystère que nous célébrons aujourd’hui, en cette solennité du Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ. Le Fils de Dieu, le Verbe de Dieu, venu dans notre chair se fait nourriture pour nous. Il nous donne Son Corps et Son Sang, comme nous le rappelait Saint Paul, dans la seconde lecture. Ce pain rompu et cette coupe de vin sont vraiment Son Corps et Son Sang. Comme l’Apôtre Paul, nous avons reçu cela de la Tradition. Nous le croyons. Mais notre intelligence a aussi besoin d’être éclairée. Nous croyons, mais notre foi ne peut se contenter de rites et de formules. Certes, comme le disait Saint Augustin, « nous avons besoin de croire pour comprendre », mais nous avons aussi « besoin de comprendre pour croire ».

Et c’est peut-être la première lecture, tirée du livre de la Genèse, qui nous met sur la voie, de façon paradoxale, d’une intelligence plus profonde du mystère que nous célébrons aujourd’hui. En effet, les Pères de l’Eglise, quand ils ont médité sur le mystère de l’Eucharistie, ont scruté les Ecritures, pour y chercher les préfigurations, ce qu’ils appelaient les figures, de ce mystère. Et ils ont découvert une multiplicité de passages de l’Ancien Testament qui évoquaient des repas, des sacrifices, des offrandes de nourriture.

Cependant, ce qui frappe lorsque l’on compare ces récits à l’institution de l’Eucharistie, c’est le renversement complet opéré par Jésus. Autrefois, c’étaient les hommes qui offraient des sacrifices, qui cherchaient à entrer en relation avec Dieu. Désormais, dans l’Eucharistie, c’est Dieu qui se donne, c’est Lui qui vient à notre rencontre. Dans le Saint Sacrement, nous assistons à un retournement complet de la relation entre Dieu et l’humanité. Ce n’est plus l’homme qui part à la recherche de Dieu, qui essaye de se concilier les bonnes grâces du Tout Puissant, qui lui offre des sacrifices, mais c’est Dieu qui se donne, qui vient à nous et se rend proche, sous les espèces du Pain et du Vin Eucharistiques.

Cette inversion du Sacrifice, ce don de la Présence Réelle, vont à l’encontre de toutes les représentations et de toutes les idées que nous pouvions nous faire sur Dieu. Il nous suffit désormais de pousser la porte et d’entrer dans une de nos Eglises, pour approcher de Celui qui s’est livré pour nous, et qui s’est fait le Tout Proche, l’Infiniment Proche. Nous pouvons chaque jour, si nous le voulons, manger, toucher, adorer le Corps de Celui qui est venu d’auprès du Père, pour nous sauver.

Désormais, le problème n’est donc plus que Dieu soit lointain et inaccessible, mais le problème, c’est que nous soyons absents, distraits, négligents. Dieu se donne, Dieu est tout proche, mais nous, nous vivons loin de Lui, parce que nous sommes loin de nous- mêmes. Ainsi, l’Eucharistie est devenue, pour nous, non seulement le plus court chemin vers Dieu, mais aussi le plus court chemin pour nous retrouver nous-mêmes. Malgré notre péché, malgré toutes nos faiblesses, osons donc saisir cette grâce que Dieu nous offre. Osons venir à Lui pour retrouver ainsi le chemin de notre être véritable, créé à l’image et à le ressemblance du Dieu Infini.

 

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