Dix-septième Dimanche TO, Année C

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Gen 18, 20-32; Col 2, 12-14; Lc 11, 1-13.
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Celui qui a tout, ne demande pas, il gère la situation et manipule les événements et les personnes pour parvenir à ses fins. Celui qui sait tout ou qui doute de tout, ne cherche plus, il élabore une stratégie et se fixe des objectifs à atteindre, par tous les moyens. Celui qui passe son temps à revendiquer ses droits, réels ou supposés, ne frappe pas à la porte, il l’enfonce. Toutes ces attitudes ne sont pas neuves. Depuis la nuit des temps, depuis que l’homme est homme, et que le péché a faussé notre liberté, il nous est difficile de demander, de chercher, de frapper humblement à la porte.

Sans doute est-ce la raison pour laquelle la prière est devenue pour nous tous, qui que nous soyons, si difficile, si exigeante. La prière va, en effet, à l’encontre de toutes ces manières d’être et de penser qui tissent le quotidien de nos existences, et qui sont devenues comme une seconde nature. Car prier, cela suppose de reconnaître notre incapacité à contrôler notre propre existence, cela suppose de reconnaître les limites de nos connaissances, cela suppose de reconnaître que nous n’avons pas tous les droits.

Mais entrer dans la prière, c’est aussi mettre ses pas dans les pas de Jésus au désert de la tentation, car il n’y a pas de prière sans tentation. La prière peut se transformer alors en un lieu amer, où toutes nos prétentions à tout contrôler, à tout savoir, à tout dominer, vont devenir de terribles défis. Les ancêtres des moines, les Pères du Désert, disaient déjà, au quatrième siècle, que rien n’est pire que l’orgueil spirituel. Et ils savaient bien, eux qui avaient mis la prière au coeur de leur vie, qu’il n’est pas de combat plus rude que celui de la prière.

Nous avons tous besoin d’apprendre à prier. Et, à mesure que nous prions, la prière nous apprendra, si elle est vraie, que nous ne savons pas prier. C’est pourquoi la demande des disciples n’a rien de simpliste, bien au contraire. Seul celui qui a beaucoup prié sait qu’il ne sait pas prier. L’évangile de ce jour n’est donc pas du tout un premier degré, qui serait réservé aux premiers pas du débutant encore malhabile. Non, tout au contraire, ce que Jésus nous enseigne, dans cette prière, c’est bien la perfection du chemin de la prière.

De cette prière, Abraham, le père des croyants, fut l’un des plus beaux exemples, mais pas le seul, dans l’Ancien Testament. Abraham savait demander, et il recevait. Abraham savait le prix de la prière et la peine que cela coûte. Abraham a sauvé des vies, parce qu’il a donné son sang, dans la prière. S’il est devenu notre père dans la foi, c’est parce qu’Abraham a osé prier, sans jamais se laisser décourager ou rebuter par les échecs et surtout par les silences de Dieu. Il a osé croire en Dieu, et ce lui fut compté comme justice.

Car le combat de la prière, c’est d’abord et avant tout le combat de la foi. C’est dans la prière, au milieu de l’exaltation ou au coeur du doute, dans la nuit la plus obscure ou dans la douceur de la paix, dans la lassitude la plus extrême ou dans la joie la plus sereine, que nous pouvons presque toucher du doigt, au plus près, le combat de la foi. Car c’est lorsque nous ne pouvons plus rien, que nous sommes résuits à rien, que Dieu met à notre disposition la puissance de son bras, la force de son amour, la douceur de sa parole.

Tous les grands saints furent d’abord et avant tout de grands priants. Même s’ils furent bien souvent des hommes d’action, ce qui frappa surtout leurs proches, c’est leur engagement dans la prière. C’est parce qu’ils avaient découvert qu’ils ne pouvaient rien sans Lui, qu’ils firent tant de miracles. C’est parce qu’ils ont pris conscience jusqu’au désespoir qu’ils ne savaient rien, qu’ils surent discerner les signes des temps. C’est parce qu’ils étaient devenus libres d’eux-mêmes, qu’ils purent apporter à leurs contemporains un souffle d’espérance et de paix. Le Concile Vatican II nous invite à suivre leurs traces, car nous sommes tous appelés à la sainteté.

 

 

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