Vingt-septième Dimanche du Temps ordinaire, Abbaye de Belval

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Hab 1, 2-3. 2 2-4; 2 Tim 1, 6-8. 13-14; Lc 17, 5-10.

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La foi? Qu’est-ce que la foi? Comment est-elle si petite, si fragile, si menacée, pour que les Apôtres éprouvent ainsi le besoin de demander à Jésus de la faire grandir en eux? Et pourquoi Jésus, quand il leur parle de la foi, use-t-il d’images aussi déroutantes que celle du grain de moutarde, ou encore de la relation qui s’établit entre un maître et son serviteur?
Nous vivons dans une civilisation, à une époque, dans un contexte où la foi a perdu son caractère d’évidence indiscutable. Pour beaucoup, la question ne se pose même pas. Ils vivent très bien sans cela. Chez nous, la foi ne s’impose plus, ni sociologiquement, ni culturellement. On a cherché de multiples explications pour comprendre ce phénomène. Mais on en a pourtant oublié une, au demeurant essentielle: la foi elle-même.
En effet, comme Jésus la présente à ses Apôtres, au fil des Evangiles, la foi perd peu à peu son caractère contraignant et évident. A mesure qu’ils ont cheminé avec lui, les disciples ont perçu, avec toujours plus d’acuité mais aussi avec une certaine angoisse, que Jésus lui-même bousculait leur foi. Peu à peu, ils ont expérimenté combien leur fondamentalisme quelque peu primaire était battu en brèche par le Maître.
Avec Jésus, d’une certaine façon, la foi devient plus difficile. Avec la graine de moutarde, la foi n’a plus ce caractère massif et brutal, qu’elle pouvait avoir dans l’Ancien Testament. Plus question de manifestations terribles et extraordinaires, de miracles impressionnants, de certitudes absolues tombées du ciel. Les disciples font l’expérience du doute, de la peur, de l’incrédulité. Comme le grain tombé en terre doit mourir pour porter du fruit, leur foi doit traverser le creuset de l’épreuve et de l’absence.
Mais comme le grain de moutarde, la foi, pour grandir, a également besoin à la fois de la terre et du ciel. Elle doit, en même temps, s’enraciner toujours plus profondément dans les réalités humaines, tout en recevant, avec reconnaissance la pluie et la lumière du ciel. La foi chrétienne est une foi incarnée, où la grâce, pour travailler, a besoin de la terre. Si ses racines ne sont pas assez profondes, elle risque de se dessécher aux heures de sécheresse et de nuit, mais aussi, à l’inverse, de se laisser emporter par les torrents impétueux de la grâce.
Cependant, la foi ne confère aucun privilège, elle ne consent à aucun droit acquis. Le serviteur ne peut prétendre à quoi que ce soit, sinon à servir. Dieu ne cherche pas à attirer la clientèle en promettant des récompenses merveilleuses. Car la foi, à mesure qu’elle grandit en vérité, nous rend plus petits, à nos propres yeux. D’une manière un peu paradoxale, la foi, quand elle nous rapproche de Dieu, nous rend plus humbles, parce que, en fait, elle tend à nous rendre semblables à celui qui seul est véritablement « doux et humble de coeur ».
Alors, si la foi est si fragile, peut-on perdre la foi? Certes, oui! On pourrait même aller plus loin en affirmant que perdre la foi est nécessaire, pour qu’advienne le don de la foi. Cela est arrivé aux plus grands spirituels comme aux plus grands saints de tous les temps. Au risque de scandaliser tous les bien-pensants, Mère Teresa, dans sa nuit, a osé reconnaître qu’elle n’y voyait plus rien. Mais en perdant la foi chaleureuse et enthousiaste de sa jeunesse, elle a suivi les traces des Apôtres,qui, bien avant elle, avaient douloureusement expérimenté la petite voie du petit grain tombé en terre. Car vivre la foi, c’est entrer dans la Passion de Jésus, pour devenir témoin de la Résurrection.

 

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