Deuxième Dimanche de Carême, Année A

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Gen 12, 1-4a; 2 Tim 1, 8b-10; Mt 17, 1-9 .

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Pour le pèlerin, qui découvre, pour la première fois, le mont Thabor, la montagne de la Transfiguration, l’impression est bien différente de celle qu’il a ressentie en gravissant le mont des Oliviers, le mont des Béatitudes ou le mont Sion à Jérusalem. Car il s’agit bien d’une véritable montagne, qui lui offre la perspective d’un fabuleux paysage, mais au terme d’une ascension longue, rude et austère. Et l’on comprend que Jésus ait choisi ce lieu, cette haute montagne aux pentes escarpées, pour y être transfiguré. Et l’on comprend aussi que Pierre ait voulu y dresser trois tentes pour y demeurer, quand on a pu goûter, ne serait-ce qu’un bref instant, le silence et la sérénité de ce lieu solitaire, à l’écart.

D’une certaine manière, la montagne de la Transfiguration est en elle-même une parabole, une illustration du cheminement auquel nous invite le carême. Elle  évoque merveilleusement le parcours spirituel de tout disciple de Jésus. En effet, c’est seulement après une longue et rude ascension, durant laquelle le regard s’accroche aux aspérités du chemin, dans un effort continu pour suivre le guide, que se découvre enfin la splendeur d’un horizon infini. Ainsi, pour parvenir au matin de Pâques, à la lumière de la Résurrection,  nous faudra-t- il d’abord suivre Jésus, sur la voie de la Passion et de la Croix.

Mais l’ascension de toute montagne, quelle qu’elle soit, suppose toujours un retour. Comme autrefois Moïse et Elie, ces deux témoins de la Transfiguration du Seigneur, les disciples devront donc eux aussi redescendre, rejoindre la vallée, retrouver la foule et les problèmes du monde. En effet, après avoir reçu les Tables de la Loi, écrites du doigt de Dieu Lui-même, Moïse avait dû redescendre de la montagne et retrouver le peuple d’Israël qui déjà s’était détourné pour suivre ses propres voies, et adorer le veau d’or. De même, après avoir vécu l’expérience bouleversante de la présence indicible du Très Haut dans le souffle d’une brise silencieuse, Elie était-il lui aussi redescendu, pour affronter l’hostilité des puissants et l’indifférence des hommes.

Et il en est de même pour nous. Si Dieu se laisse parfois entrevoir, si le visage de Jésus se fait plus proche, plus familier, plus intime, ce n’est pas pour que nous nous arrêtions, que nous abandonnions notre tâche, que nous délaissions notre mission. Bien au contraire, s’il vient à nous, c’est pour que nous partions, à notre tour, comme le fit Abraham qui répondit à l’appel de Dieu: « pars de ton pays, laisse ta famille et la maison de ton père, et va dans le pays que je te montrerai », et que nous prenions, nous aussi, notre part « de souffrance pour l’annonce de l’Evangile ». Car notre foi est vocation, elle est témoignage.

En ce second dimanche de carême, la montagne de la Transfiguration est donc pour nous comme un symbole, une parabole, un appel. Notre existence n’est-elle pas en effet une suite d’ascensions, parfois exaltantes et enivrantes, mais aussi parfois arides et lourdes? N’est- elle pas ponctuée de moments de plénitude et de joie, puis de descentes vertigineuses et sombres. Comme les Apôtres, et avant eux, comme Moïse et Elie, nous ne pouvons prétendre nous installer. Nous ne trouverons pas d’endroit où reposer la tête! A la suite d’Abraham et de tous nos pères dans la foi, il nous faut accepter cette continuelle errance. Car notre foi est pèlerinage, elle est partance, école et chemin de liberté, à la suite de Jésus, notre Seigneur et notre Maître.

 

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