Troisième Dimanche de l’Avent, Année B

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Is 61, 1-2a.10-11; 1 Thes 5, 16-24; Jn 1, 6-8. 19-28.
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Pas une seule fois, dans le passage de l’évangile que nous venons d’entendre, le nom de Jésus n’est prononcé, pas une seule fois sa présence n’est évoquée. Celui qui semble concentrer toute l’attention et tous les regards, c’est Jean le Baptiste, le prophète du désert. Si les gens s’interrogent, s’ils se posent des questions, c’est à son propos. Jean se trouve ainsi au coeur des interrogations, des rumeurs, de l’attention de la foule. Sur lui se concentrent la curiosité, l’attente et l’espérance de tous ceux qui l’entourent. Jean semble être au coeur de l’évangile que nous venons d’entendre, et Jésus semble en être totalement absent.
Et pourtant, si nous creusons un peu au delà des apparences, une autre réalité se fait jour. Aux questions sur son identité, Jean refuse de répondre. Il ne se définit pas par lui-même, mais par un autre, au service duquel il a été envoyé: “je suis la voix qui crie dans le désert: aplanissez le chemin du Seigneur”. Et lorsque les pharisiens lui demandent de justifier le fait qu’il baptise, il les renvoie de nouveau à cet autre: “au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas”. Et il ajoute, pour bien montrer à tous ceux qui l’interrogent que ce qui compte, ce n’est pas ce qu’il fait: “c’est lui qui vient derrière moi, et je ne suis pas digne de défaire la courroie de sa sandale”.
En refusant de se laisser prendre au piège des questions qui lui sont posées, Jean le Baptiste n’ouvre pas seulement la voie à celui qui vient derrière lui, à Jésus le Messie, mais il nous ouvre, à nous aussi, le chemin de notre propre vocation de chrétiens et de moines. En effet, à une époque où chacun revendique, souvent avec violence et parfois même avec mépris, d’être reconnu, d’être écouté, d’être compris, Jean nous propose un tout autre chemin. Il nous rappelle que si nous existons, ce n’est pas pour nous complaire en nous-mêmes, pour nous mirer dans notre propre moi, pour affirmer une personnalité de façade. Si nous existons, si nous vivons, si nous travaillons, c’est pour un autre.
Et cet autre, Jean refuse de le définir, de lui poser des conditions, de lui imposer un projet et un visage. La question angoissée qu’il posera à Jésus par l’intermédiaire de ses disciples en est une étonnante illustration: “es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre?” Jean prépare la voie au Dieu inconnu dont les gestes et les paroles viendront parfois contredire ce qu’il avait cru devoir annoncer. Jean va ainsi non seulement renoncer à se définir lui-même, mais il va également accepter de se laisser déborder par la révélation de Dieu.
A nous qui passons le plus clair de notre temps dans de stériles combats pour nous affirmer, pour nous imposer, pour conquérir et défendre notre petite place, Jean le Baptiste rappelle, dans le passage de l’évangile de ce jour, que nous ne trouverons notre identité véritable, notre moi le plus profond, qu’en renonçant à le chercher pour répondre à la vocation que Dieu nous donne. Jean nous rappelle que seul celui qui a dit “oui” à Dieu peut devenir vraiment lui-même; non pas avec une identité figée, engoncée dans un passé et un avenir préfabriqués, mais en se recevant de Celui qui l’a appelé par son nom et envoyé.
Le paradoxe de l’identité chrétienne, qui brise tous les canons de ce monde où il faut s’affirmer pour exister, c’est qu’elle nous vient d’ailleurs, d’un autre. Comme Jésus est le Fils du Père, comme Jean est celui qui prépare les chemins du Seigneur, devenons à notre tour, fils par le Fils, devenons chemin pour nos frères vers Celui qui Seul peut nous sauver.
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