Noël, Messe de Minuit

C’est peu de chose qui nous rassemble en cette nuit, qui a arrêté la course de nos journées, qui nous a retirés un moment à l’écart du fracas de nos vies. Peu de chose mais porteur d’espérance, cela comme toute vie qui naît ; mais, cette fois, porteur d’une espérance qui est le bonheur même, et bonheur pas seulement d’une famille, d’un peuple, mais de tous. Paix et joie : Dieu aime !
Cette paix et cette joie avaient disparu au temps du prophète Isaïe, et elles ont souvent disparu depuis, et encore aujourd’hui pour tant de personnes. On marchait dans les ténèbres, on habitait le pays de l’ombre et de la mort. C’est le joug qui pèse, le bâton et le fouet qui meurtrissent, les pas des soldats qui retentissent, leurs manteaux couverts de sang… C’est au milieu de ces terreurs que le Seigneur fait entrevoir une lumière, un homme de paix, et même le « Prince de la paix »… Il naîtra à Bethléhem, dit un autre prophète.
Et ce dessein de paix et de salut, le Seigneur l’accomplit, quoiqu’il arrive. Il le mène à bonne fin à travers les aléas de l’histoire. C’est ainsi que par l’édit de l’empereur, Joseph et Marie quittent Nazareth en Galilée pour la Judée, et plus précisément pour cette « ville de David appelée Bethléhem ». Le descendant de David va naître dans la ville de David. A Bethléhem de Judée, naîtra ce fils de David « Dieu-Fort, Père à jamais, Prince de la Paix ». Comme le proclamait Isaïe, l’amour invincible du Seigneur de l’univers s’est manifesté, il a fait cela en cette nuit.
Ce qui se passe en cette nuit est pourtant des plus discrets. Et l’évangile de S. Luc est d’ailleurs d’une sobriété remarquable. « Arrivèrent les jours où elle devait enfanter. Et elle mit au monde son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire. »
Une naissance comme toutes les naissances, sauf peut-être qu’elle rapproche ces gens des plus déshérités : il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune. Marie et Joseph ne roulaient sans doute pas sur l’or, ils ne devaient pas payer de mine. Ils étaient loin de chez eux, démunis.
Et quand des anges apparaissent dans le ciel et qu’une troupe céleste innombrable entonnent des chants de joie, ils n’ameutent pas les foules ni les médias du temps. Il n’y a que quelques bergers perdus dans la nuit et perdus dans leur vie, car être berger était alors indice de misère.
Et ils eurent de bonnes oreilles pour entendre, ces bergers-là, et de bons yeux pour voir. A l’annonce si insolite, ils se mettent en route. Et que voient-ils ? « Marie, Joseph et le nouveau-né couché dans la mangeoire ». Devant ce spectacle somme toute commun et sans relief aucun, ils auraient pu se moquer de tout et d’eux-mêmes, et retournaient à leurs moutons. Le signe est si ténu…
Mais non. Ils racontent simplement ce qui leur a été dit et tous s’étonnaient de ce que disaient les bergers, et Marie retenait tous ces évènements et les méditait dans son cœur.
Ces modestes évènements font ainsi leur chemin, selon l’amour invincible de Dieu notre Seigneur. Ils brisent déjà l’indifférence, ils arrêtent un instant le fracas et les clameurs, ils rayonnent en silence. Ils sèment l’espérance. Et même celle que l’Epître à Tite appelle la « bienheureuse espérance ». Celle toute faite de bonheur. Une présence qui est toute présence et n’est que cela. La présence d’une personne qui n’est qu’offerte, qui ne veut qu’être offerte et qui ne peut que l’être. Une personne si dépouillées de soi qu’elle n’est que rencontre. Une personne humaine si dépouillée et si donnée comme l’être même de Dieu qu’elle est. Jésus, notre Sauveur et notre Dieu, se donne dans la nuit de nos vies.
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