Quatrième Dimanche de Carême

« Il était mort… ». Il y a beaucoup de morts dans cette histoire, et c’est ce qui rend la vie plus saisissante encore.
« Un homme avait deux fils. Et le plus jeune dit à son père : Père, donne-moi mon bien, ma part d’héritage ». Et voilà un premier mort. En effet, selon la culture d’alors, ce fils tue littéralement son père. Aujourd’hui encore, dans tous ces pays du Maroc à l’Inde et de la Turquie au Soudan, si l’on questionne les gens : est-ce qu’un fils peut faire une telle demande à son père ?, la réponse est : Impossible ! — Et si un fils faisait quand même cette demande, qu’arriverait-il ? — Son père le frapperait, c’est sûr. — Et pourquoi ? — Parce que demander çà, c’est dire qu’on veut la mort de son père.
Ce père a un autre fils, un fils aîné, qui ne lui réserve pas un meilleur sort. Au jour de la colère, il se voit non comme son fils mais comme son serviteur. Et il ne veut rien entendre de ce fils de son père revenu aujourd’hui. Cet homme, c’est ton fils, dit-il ; entre moi et lui : rien ! En refusant d’être le frère de son cadet, il refuse d’être fils de ce père. Le maître de cette maison n’est pas son père.
Voilà donc ce père mis à mort deux fois.
Mais, dans les deux cas, ce père prend sur lui de faire route vers le meurtrier.
Quand le fils plus jeune, après réflexion, décide de revenir, le Père le voit alors qu’il est encore loin. Ce père avait les yeux du cœur ouverts ; il espérait encore toujours revoir le visage de son fils ; depuis toujours il guettait l’improbable retour de son fils. L’accueil qu’il lui réserve jaillit tout entier de son cœur et ne dépend en aucune façon de l’attitude plus ou moins bonne de son fils. « Il court se jeter à son cou ».
Et quand le fils aîné refuse d’entrer dans la maison, lui qui y est demeuré depuis toujours, le père n’hésite pas. Il s’humilie et fait le chemin que l’autre refuse absolument de faire. Le père sort au-devant de son fils. Et là il le supplie. Cette supplication ne se laisse pas dire en mots ; elle sort de ses entrailles. Elle n’a pas d’arguments ; elle n’est qu’humiliante supplication. Il n’a qu’une chose à lui dire : celui qui est revenu, c’est ton frère, car tu es mon fils comme il l’est lui-même.
On ne sait pas bien la réaction des deux frères. La parabole laisse cela en points de suspension. Quelle réponse le cadet donne-t-il à l’accueil de son père ? Rien n’est dit. Quelle attitude l’aîné adopte-t-il suite à la supplication de son père ? Rien n’est dit.
La figure la plus lisible de cette parabole est bien celle du père. Un père qui demeure père quelle que soit l’attitude de ses fils, et même à l’heure où ses fils le bafouent et le rejettent.
Jésus nous parle de son Père. Il nous parle de lui aussi, qui a même richesse de cœur. Et la liturgie nous invite à lire la passion de Jésus et toute son histoire selon cette lumière. Un père avait deux fils, un père avait des fils.
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