Vingt-sixième Dimanche du T.O. Année C

« Un grand abîme (se trouve) entre vous et nous »… Bien sûr, il y a aussi l’abîme creusé par la mort, mais il s’agit ici d’un autre abîme. Un abîme de séparation, que l’on soit mort ou vivant.

 

 

C’est cet abîme-là qu’expérimente un homme riche qui vient de passer le cap de la mort. Jésus nous raconte ce qui lui arrive. Or, ce sont des choses étonnantes. En effet, c’est alors, et alors seulement, qu’il « voit » Lazare. De son vivant, il l’avait bien sûr aperçu, mais il ne l’avait jamais vraiment vu. Et cet homme riche semble aussi comprendre autrement les choses, il acquiert une vision différente de sa vie passée, vision qu’il voudrait faire connaître à ses frères.

 

 

Durant ses jours d’ici-bas, cet homme ne voyait pas : aucune perception réelle de l’homme pauvre pourtant sur le pas de sa porte, cet homme couvert de plaies, un homme sans lieu à lui, un homme sans nourriture. Un mur l’en séparait. S. Luc nous décrit ce mur : richesse, vêtements de luxe et repas somptueux.

 

 

Au long des jours, cet homme riche est passé à côté de ce pauvre et il ne l’a pas connu. Il n’a pas fait sa connaissance. Ce pauvre avait pourtant un nom propre, et même un beau nom, « Lazare », « Dieu aide ». Ce pauvre n’a eu droit à aucune reconnaissance : le riche ne lui a pas donné droit à l’existence.

 

 

Mais la suite du récit démontre que l’homme riche n’est pas seulement passé à côté du pauvre mais aussi à côté de Moïse et des prophètes. Dans l’au-delà, il découvre tout l’intérêt qu’il aurait eu à les écouter. Sans doute, comme tout bon juif, en avait-il entendu parler, mais çà n’avait pas pénétré. Il n’en avait rien retenu, intégré. Pourtant, là encore, quelqu’un était présent et se donnait à connaître, se rendait audible, manifeste : le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le Dieu de Moïse et des prophètes.

 

 

Et ses frères, tout comme lui-même d’ailleurs l’aurait fait, vont passer aussi à côté d’un autre, à côté de ce « quelqu’un » qui ressuscitera d’entre les morts,  mais en vain pour eux. Ils n’ouvriront pas les yeux, les oreilles, ils ne lui accorderont pas la foi de leur cœur. Ce « quelqu’un » restera mort pour eux.

 

 

Mais le plus mort de tous n’est-ce pas cet homme riche ? Séparé de tous ses frères humains par un mur infranchissable.

 

 

Disons plutôt : un mur apparemment infranchissable. En effet, la patience  et l’appel du pauvre, et la patience et l’appel de Jésus et de son Père le minent jour après jour. Oui, vraiment, « Dieu aide », comme le dit le nom de Lazare ; sa parole ronge tous nos murs, elle invite inlassablement au bonheur d’Abraham, dans la richesse du Dieu qui s’est fait pauvre pour nous.

 

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