Quinzième Dimanche du Temps Ordinaire

Les paraboles, la parabole du Semeur.

Les paraboles sont nombreuses, tant dans la bouche de Jésus que dans toute la tradition de l’Ancien Testament.  C’est un moyen de dire des choses de manière imagée, sans choquer l’auditoire.  L’image permet à chacun de comprendre selon ses capacités, pour creuser profond ou pour rester à la surface.  C’est pourquoi Jésus explique comment les uns comprennent et les autres ne comprennent pas.

Si les foules se déplacent pour entendre Jésus, au point qu’il doit prendre place dans une barque pour que tous puissent l’entendre, ce n’est quand même pas pour s’entendre expliquer comment la semence germe et grandit au bord du chemin.  Mais les foules doivent accepter d’entendre une parole spirituelle cachée sous l’écorce d’une parabole d’agriculture.

Dieu tout au long de l’Ancien Testament a utilisé des images de l’agriculture pour parler de sa relation avec le Peuple, pour expliquer comment sa Parole doit fructifier dans le cœur de l’homme croyant.  Nous en trouvons un premier exemple dans l’extrait du livre d’Isaïe que nous avons entendu en première lecture.  Combien de fois ne parle-t-on pas du Peuple que le Seigneur planta comme une vigne dans une terre fertile ?  (Jr 2,20, Am 9,13, Za 8,12)  Ou encore, Dieu décrivant le pays de la Promesse comme une terre qui ruisselle de lait et de miel ?  (Ex 3,8 ; 13,5)

Combien de fois encore, ne voyons-nous pas Dieu décrit comme le maître de la vigne (Ps 80,8.14), le propriétaire du domaine, le berger du troupeau ?  (Ps 23,1)  Nous pouvons retourner plus loin en arrière et reconnaître que Dieu a planté dès les origines un jardin en Éden, et Il a instauré Adam et Ève pour cultiver ce jardin dans lequel Dieu avait fait germer toutes sortes d’arbres et de plantes (Gn 2,8-15).

Ce jardin, dans la tradition rabbinique, c’est également l’âme du croyant.  Sur son sol Dieu sème la Parole et Il souhaite qu’elle germe et porte du fruit.  C’est cette même interprétation que Jésus donne ensuite à ses disciples.  Cela ne nous empêche pas de voir dans les quatre lieux où tombent les semences, quatre étapes de l’expérience spirituelle du croyant ou quatre niveaux de compréhension de l’action de la grâce en nous.  Voici :

Les grains qui tombent sur le bord du chemin sont dévorés avant même qu’ils n’aient commencé à germer.  Ils représentent la Parole qui connaît l’échec lorsque l’âme qui la reçoit demeure dure comme pierre, fermée à la Vie révélée par Jésus.

Comme dans le récit de la Création, la terre verdit de verdure (Gn 1,11a), la germination commençante, c’est l’expérience du converti : la première expérience spirituelle de l’âme qui s’élève au-dessus de la terre.  Cette « jeune pousse », ce « néophyte », dans l’ardeur de la conversion, se sent prêt à escalader le ciel et à tout donner à Dieu.  La semence germe et grandit mais sans avoir de racines profondes.  Les échecs et les humiliations le ramèneront feront tomber cette ardeur juvénile : la plante ne portera pas les fruits de cette première expérience spirituelle.

La verdure portant semence (Gn 1,11b) : pour produire l’épi en dépit des difficultés, il faut pousser des tiges en haut et des racines en bas.  Le Mauvais redouble ses attaques quand le fruit est en vue.  Ce sont les ronces et les épines de la vie courante.  Le découragement guette, et l’on renonce à notre projet parce qu’il nous paraît tout-à-coup trop ambitieux, dépassant nos possibilités humaines.

Enfin, toujours en lien avec le récit de la Genèse, l’arbre portant le fruit selon son espèce (Gn 1,11c), c’est la reproduction qui permet à l’espèce de se perpétuer.  Dans l’expérience spirituelle c’est la paternité ou la maternité : l’âme victorieuse des convoitises intérieures et des pièges extérieurs, est devenue capable de transmettre la vie spirituelle.  Telle est la semence tombée dans la bonne terre et qui porte des fruits, 100, 60, 30 pour un.

Saint Matthieu, dans son Évangile, nous présente Jésus comme le Nouveau Moïse, Celui qui nous donne la Loi d’amour.  Dans la parabole de ce matin, écoutée sous cet angle, nous trouvons encore Jésus qui, cette fois, nous invite à reproduire la grâce du paradis terrestre.  Le cœur qui porte des fruits spirituels permettra à d’autres de porter des fruits similaires.  De loin en loin le monde de la grâce se multipliera en nous et autour de nous.

Demandons à Jésus, dans cette Eucharistie, d’être dociles à sa volonté sur nous.  Ainsi, avec sa grâce nous porterons des fruits, nous aussi, à raison de 100, de 60, de 30 pour un.

Frère Bernard-Marie

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